La Bonne Nouvelle
En quoi le libéralisme est-il une religion [...]
Pour sa première mise en scène de théâtre, Mélanie Laurent adapte Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom, roman de l’écrivain à succès américain James Frey. Un texte sans profondeur qui ne passe pas l’épreuve du plateau.
En se plongeant dans les quelque 400 pages du Dernier Testament de Ben Zion Avrohom (publié, en 2011, aux Editions Flammarion), on se dit que, finalement, le spectacle créé à partir de ce roman en septembre dernier, au Théâtre du Gymnase à Marseille (aujourd’hui repris au Théâtre national de Chaillot), nous épargne quelques tunnels et pas mal de lourdeurs. Car cette histoire de nouveau messie né dans l’Amérique du XXIème siècle – messie libertaire et bisexuel qui, en marge des miracles qu’il accomplit, diffuse des pensées antireligieuses, altermondialistes et écologistes – ne parvient pas, malgré la plume alerte de son auteur, à masquer les procédés artificiels qui la traversent. Tout, ici, paraît taillé pour séduire à peu de frais un public friand de paranormal, d’air du temps et de bons sentiments. Prenant modèle sur les évangiles, James Frey raconte l’existence hors norme d’un homme pas comme les autres (Ben Zion Avrohom, alias Ben Jones) en donnant la parole à des personnes ayant croisé son chemin : une voisine, un collègue de travail, différents membres de sa famille… Grisé par son élan, l’écrivain exploite le sillon messianique dans les grandes largeurs. Il tire sur les fils de sa fable jusqu’à la perdre dans des traits à la limite de la naïveté.
Un messie libertaire dans les rues de New York
L’adaptation théâtrale cosignée par Mélanie Laurent et Charlotte Farcet, fidèle à la trame du roman, procède à une réduction de ce texte sans l’éclairer d’un jour nouveau. Les défauts restent. Et pèsent. Ils grèvent les chances d’une représentation qui, bien que prise en charge par un groupe de comédiens convaincants (Olindo Bolzan, Stéphane Facco, Gaël Kamilindi, Lou de Laâge, Jocelyn Lagarrigue, Nancy Nkusi, Morgan Perez), semble condamnée à illustrer une avancée narrative en manque de complexité. Bien sûr, on aimerait applaudir aux tirades dénonçant l’intégrisme religieux, l’homophobie, le militarisme, l’individualisme, le puritanisme, les cloisonnements d’une société américaine prête à faire entrer Donald Trump à la Maison-Blanche. Mais cette façon opportuniste d’agiter des chiffons rouges sans explorer les questions qui s’y rattachent est vaine. Pour sa première mise en scène de théâtre, Mélanie Laurent s’est encombrée d’un texte qui a tout du fardeau. Elle s’attache à le servir avec conviction. Sans parvenir à faire de miracle.
Manuel Piolat Soleymat
Le mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20h30, le jeudi à 19h30, le dimanche à 15h30. Relâche le lundi. Spectacle vu lors de sa création au Théâtre du Gymnase, à Marseille, le 20 septembre 2016. Durée de la représentation : 2h10. Tél. : 01 53 65 30 00. www.theatre-chaillot.fr
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