Solaris de Stanislas Lem, mise en scène de Pascal Kirsch
Pour sa nouvelle création, le metteur en [...]
Christophe Honoré livre une adaptation somptueuse du troisième livre de La Recherche du temps perdu. Une mise en scène portée par une troupe à son meilleur qui restitue finement l’esprit de l’œuvre de Marcel Proust.
Oriane de Guermantes… Un nom si poétique, si idéal, qu’il est difficile de ne pas fantasmer sur celle qui le porte. Ainsi le jeune Marcel, le Narrateur du Côté de Guermantes, se prend-il de passion pour la belle duchesse. Mais en pénétrant dans les salons qu’elle fréquente, en côtoyant le Baron de Charlus, la Comtesse de Marsantes ou la Princesse de Parme, il ne récolte que désillusion. Quelle fausseté dans ce monde apparemment flamboyant ! Une scène cruelle l’illustre bien : lorsqu’Oriane, interprétée par l’éblouissante Elsa Lepoivre, se met à danser, son corps si bien pris dans sa robe élégante se révèle soudain gauche, mécanique, presque monstrueux. Comme l’est son mari – réjouissant Laurent Lafitte – dont la vacuité le dispute à l’indifférence pour autrui. Quelle micro-société insupportable, qui voudrait changer d’innocent (Dreyfus) ou différer la mort d’un cousin pour ne pas risquer de gâcher un dîner, qui se préoccupe de la couleur de ses souliers plutôt que de compatir à la maladie (celle de Swann, bouleversant Loïc Corbey), qui présente ses condoléances avant l’heure et prétend « qu’on en rira plus tard » !
Une adaptation fidèle à l’esprit de l’œuvre et à la complexité des personnages
Christophe Honoré est intelligent – un mot qui revient souvent dans la pièce –, subtil même. Il sait que « prétendre adapter Proust, au théâtre, comme au cinéma, [est] une entreprise pourrie d’avance ». Dans sa lettre aux acteurs, reproduite dans le programme de salle distribué au public, il propose de lui substituer « une séance de nécromancie », soit « franchir le pont et croire que des fantômes vont venir à notre rencontre ». L’entreprise est totalement réussie. On trouvera sûrement des esprits chagrins pour considérer que la lettre de Marcel Proust n’est pas respectée, que les tubes musicaux qu’il importe (Cat Stevens, Leo Ferré, Sylvie Vartan…) n’ont pas leur place ici. Qu’importe ! Ces transgressions ne trahissent en rien l’esprit de l’œuvre ni la complexité des personnages. Le passage de l’adoration à la désillusion, la peinture de la haute aristocratie avec son amour des mots d’esprit et son mépris pour les Juifs, tout cela est d’autant plus finement restitué que Christophe Honoré dispose d’une troupe à son meilleur, du touchant Sébastien Pouderoux (Saint-Loup) au désopilant Serge Bagdassarian (Charlus) – il faudrait tous les citer. L’œuvre de Proust et ses personnages inoubliables en ressortent vivifiés, à commencer par le personnage du Narrateur, interprété par le solide Stéphane Varupenne, si loin d’un Marcel souffreteux ou du cliché de « roman pour duchesses ». Ce qui n’empêche ni la mélancolie ni la gravité.
Isabelle Stibbe
Rens 01 44 58 15 15. Durée : 2h30 sans entracte.
Pour sa nouvelle création, le metteur en [...]