La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Vie est un songe

La Vie est un songe - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Tempête
John Arnold, tyran astrologue de La Vie est un songe. Crédit photo : Antonia Bozzi

Théâtre de la Tempête / de Pedro Calderón de la Barca / mes Clément Poirée

Publié le 27 septembre 2017 - N° 258

Clément Poirée met en scène La Vie est un songe, réunissant des comédiens dont le talent individuel se noie dans un spectacle sans unité dramaturgique et sans maîtrise esthétique convaincante.

« Perle irrégulière » : telle est l’étymologie du mot « baroque », et telle est peut-être la manière de caractériser le spectacle mis en scène par Clément Poirée. Choisissant La Vie est un songe de Calderón pour inaugurer son installation à la tête du Théâtre de la Tempête, Clément Poirée met le foisonnement et la richesse créative à l’honneur de sa nouvelle mission. Grotesque, burlesque, tragique, drôle, grinçant, profond, sarcastique : comme tous les monstres rococos, celui-là est protéiforme. La pièce du dramaturge espagnol supporte aisément qu’on la traite à la lecture rétrospective de ses successeurs. Clément Poirée fait donc le pari de tout mélanger, mais force un tantinet sur le nombre des ingrédients, au point de composer un spectacle lourd et indigeste. Un peu de Shakespeare dans le Basile que John Arnold incarne avec son génie habituel dans ses premières tirades, mais qui tourne à la caricature bouffonne au fur et à mesure de la pièce ; une touche de romantisme chez Sigismond, que Makita Samba campe en jeune premier torturé ; ire enthousiaste de Morgane Nairaud, qui s’égosille en Rosaura furiosa ; traitement hiératique de Clothalde, transformé par Pierre Duprat en Commandeur statufié ; Etoile échappée du Grand-Guignol grâce au tempérament hautement comique de Louise Coldefy ; Astolphe récupéré chez Feydeau par Pierre Duprat…

Manteau d’Arlequin

L’ensemble de la troupe s’agite dans un décor fait de toiles pendant mollement des cintres, sur un sol neigeux qui offre l’esquisse de quelques effets, dans une ambiance dont on peine à saisir le sens, entre science-fiction reptilienne et pacotille paramilitaire. La salle offre l’occasion d’une proximité accrue avec le public que seul le discours du roi Basile à la Pologne – excellemment interprété par John Arnold – justifie vraiment. Le texte, pourtant élégamment traduit par Céline Zins, offre des préciosités stylistiques, des anaphores et des litanies poétiques que les comédiens peinent à faire entendre, le débitant souvent trop en force ou avec des nuances caricaturalement amenées. Manteau d’Arlequin ou patchwork stylistique, le spectacle est fidèle à l’idée un peu naïve que l’on peut se faire du foisonnement baroque, mais manque singulièrement d’unité dramaturgique et de cohérence scénique. Clément Poirée assume son point de vue, puisqu’il affirme vouloir résister à toute « tentative de réorganisation rationnelle », mais l’étalage disparate des genres auquel il s’emploie conduit le spectacle à perdre en maîtrise autant qu’en intérêt.

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Vie est un songe
du vendredi 15 septembre 2017 au dimanche 22 octobre 2017
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie, Route Du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 2h30.

 

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