La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Tragédie d’Hamlet

La Tragédie d’Hamlet - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
Les comédiens du Français dans un Hamlet gaguesque. Crédit photo : Cosimo Mirco Magliocca

Comédie-Française
Shakespeare / Dan Jemmett

Publié le 25 octobre 2013 - N° 214

Le metteur en scène Dan Jemmett s’attaque à Hamlet… qui n’y survit pas et périt par vulgaire noyade.

Il arrive qu’un metteur en scène veuille faire le malin. Quand il rate son coup, c’est embêtant : l’ambition se ratatine en flasque prétention et aussitôt dévoile la vaine cuistrerie. Chez Dan Jemmett, l’irrévérence revendiquée est presque devenue un argument marketing, du moins une manie du décalage qui tient lieu de signature excentrique. Parfois, il tombe miraculeusement juste. Ainsi de ses Précieuses ridicules, de Molière, que son art du pastiche rétro rendait d’une folle pertinence. Il retrouve aujourd’hui la troupe du Français et s’en prend à Hamlet, qu’il avait d’ailleurs déjà attaqué en solitaire en 2002. « Monument de la littérature occidentale, à la fois tragédie politique, texte métaphysique, image éternelle de la modernité portée par une force poétique inaltérable, Hamlet interroge ce qu’est l’homme et, par là, interpelle chacun de nous. » rappelle le programme. Voilà de quoi exciter cet Anglais dynamiteur de grands classiques…

Une impertinence sans pertinence

Le « matériau » Shakespeare d’habitude se montre assez résistant, peut prendre sens sous plusieurs formes. Il se décompose ici faute de pensée. Dan Jemmett choisit de planter le décor dans le club house seventies d’une salle d’escrime, qui tient d’ailleurs plus de l’ambiance populaire d’un pub paumé dans la province anglaise, avec bar crasseux, jukebox intempestif, vue sur les toilettes douteuses et coupes de foot triomphalement alignées en mémoire des victoires d’antan. Why not ? Les comédiens, affublés de pattes d’eph et rouflaquettes, en costard verdâtre, combinaison orange acide ou jupette rose bonbon, semblent échappés d’un mauvais feuilleton télé des années 70 et arborent la panoplie clinquante du mauvais goût. Visiblement déguisés en prolos avinés, ils dévalent les scènes comme une série de gags potaches. Il faudrait cependant qu’un tel parti pris iconoclaste soit seulement porté par une dramaturgie, qu’une telle esthétique ne soit pas qu’enrobage parodique voire démagogique. La plaisanterie ni le talent des acteurs ne suffisent à tenir l’ensemble. Hervé Pierre, guilleret Claudius, maquille l’ignominie sous une allure bonhomme, Denis Podalydès cherche son Hamlet, hésitant entre le clown et le puritain, Clotilde de Bayser cache Gertrude à son décolleté plongeant, Jennifer Decker minaude son Ophélie, Elliot Jenicot s’amuse entre Rozencrantz et Guildenstern avec sa marionnette et ainsi de suite… Tous naviguent à vue dans cette mise en scène qui noie la métaphysique dans la cuvette des chiottes.

Gwénola David

A propos de l'événement

La Tragédie d’Hamlet
du dimanche 20 octobre 2013 au samedi 12 janvier 2013
Comédie-Française
place Colette, 75001 Paris.

Tél. : 0825 10 1680 (0,15 € TTC / min). Jusqu’au 12 janvier 2013, en alternance. Durée : 3h10.
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