La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

La Nuit transfigurée

La Nuit transfigurée - Critique sortie Danse Pantin Centre national de la danse
Des duos subtils rythment La Nuit transfigurée de Philippe Saire.

CND Pantin / Chorégraphie Philippe Saire

Publié le 18 décembre 2013 - N° 216

Les délicates subtilités de la nuit suivies de l’éclat cinglant de l’aube. Quand Philippe Saire s’engouffre dans la partition de Schönberg, c’est pour mieux aller au-delà d’un espace-temps. Une belle réussite. 

La nuit aura été courte. Courte comme la partition de Schönberg, courte comme le concerto de Vivaldi qui prend sa relève, courte comme ce drame qui s’est joué et dont aucun ne ressortira indemne. Tout commence pourtant dans le silence et dans un espace neutre, troublé par l’arrivée des danseurs et de leurs mouvements gauches, presque patauds, subtilement teintés d’humour. Lorsque les musiciens arrivent, et fond résonner les premiers accords, longs et plaintifs, la danse commence à s’affirmer et à s’organiser. Philippe Saire invente dans cet espace noir une autre possibilité pour la danse d’exister face à La Nuit transfigurée. Jamais illustrative, elle déclenche un imaginaire qui file doux sur le romantisme de Schönberg et s’emploie à déployer les corps, tout en les entremêlant dans des jeux de relations complexes. Tout se passe comme si un drame se nouait, comme si la profondeur de la nuit pouvait engloutir à tout moment ces cinq corps qu’un simple rideau de soie peut balayer. Le chorégraphe joue subtilement des contrastes, donne la sensation pleine d’y aller tout en freinant l’action, chevauche l’amour tout en convoquant la mort. Magnifique scène qui clôt cette Nuit transfigurée, où les corps tombent et glissent sous le coup inexorable de leurs compagnons.

Aveuglante blancheur

C’est à ce moment que surgit Vivaldi. Le choix d’une musique dont les sautillements brisent l’étrange et sombre harmonie de la nuit s’est fait en complicité avec Pierre Amoyal, directeur de la Camerata de Lausanne. Sous cet angle, c’est presque un choc des mondes qui caractérise le spectacle : Schönberg versus Vivaldi, le drame face à la légèreté. Philippe Saire ne fait rien d’autre ici que de prendre au mot cette opposition et joue la carte de la rupture. Les voilà qui prennent la mesure d’une nouvelle lumière, presque blafarde, crue. Ce monde nouveau est celui d’un exutoire, le lieu où les corps peuvent renaître sans complexe, cracher leur rage ou leur joie, se libérer des hésitations de la nuit. Le poème tourne volontairement à la cacophonie. Les danseurs éclatent d’une vie à brûler, comme pour effacer les derniers mirages d’une pénombre qu’ils laissent loin derrière. La nuit, dans toutes ses nuances, toutes ses hésitations, n’était que trop courte pour embrasser l’aveuglante blancheur qui s’offre ici sans ménagement, autour des corps et sur leur peau même. Les subtilités apportées par Philippe Saire dans la première partie se noient vite dans la pleine lumière comme pour s’évaporer. Mais pour comprendre la complexité de la tourmente et la palette déployée par le chorégraphe, c’est encore et encore que l’on aimerait se replonger dans les affres de cette nuit.

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

LA NUIT TRANSFIGURÉE
du mercredi 5 février 2014 au vendredi 7 février 2014
Centre national de la danse
1 rue Victor Hugo, 93507 Pantin

Du 5 au 7 février à 20h30. Tél : 01 41 83 98 98.
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