La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Noce

La Noce - Critique sortie Théâtre
Vertiges et malaises de La Noce Photo : PIDZ

Publié le 10 janvier 2010

Tapage nocturne, tumulte affectif et vacarme moral pour la célébration par Patrick Pineau de La Noce chez les petits-bourgeois. Toute l’ironie et la cruauté de la farce brechtienne.

La joie diabolique des gens mariés consisterait à assister au mariage des autres. Il en est ainsi du couple maléfique invité à la Noce chez les petits-bourgeois de Brecht, dite la Noce par Patrick Pineau. Amers et vindicatifs, l’Homme et la Femme siègent à table près du Marié et de la Mariée. Depuis qu’ils sont ensemble, dit la Femme ennuyée, l’Homme a renoncé à la guitare. Celui-ci réplique : « Mais elle est comme ça, elle, et comme ça elles le sont toutes. À partir du jour de tes noces, tu n’es plus une bête qui sert une maîtresse mais un homme qui sert une bête, et c’est ce qui te tire vers le bas … » La célébration du mariage tournerait presque à l’appel de détresse. Les grossièretés, obscénités et propos déplacés se succèdent lors du banquet. Les chansons de mauvais goût font peu de cas de la mariée enceinte, comme les histoires basses et vulgaires servies par le Père du Marié, entre le cabillaud et la crème « loupée ». De plus, le Marié décide d’engager la première danse avec la Femme et non la Mariée. Convenances sociales et convenances morales ne s’épousent pas forcément.

Un esprit de calcul et de convoitise
Les plaisanteries misogynes grivoises traduisent la difficulté des mâles à supporter la sexualité féminine. Ce rituel met à jour la profonde injustice du mariage pour la femme, objet à la fois de la jalousie et de l’inconstance du mari. Bien sûr, l’épousée se console avec les meubles fabriqués avec âme par l’épousé, un début de « distinction », selon Bourdieu. Mais la colle économique utilisée est peu fiable. Craquements et chutes, le mobilier bancal s’effondre sous les regards hilares. Le titre générique de La Noce donne paradoxalement à ces ripailles festives une dimension bourgeoise implicite. Les réjouissances relèvent d’un esprit de calcul, de convoitise, de mesquinerie et de pauvreté culturelle. Les petits-bourgeois – l’immense classe moyenne – aspirent à la reconnaissance sans en avoir les moyens, ni l’argent, ni la prestance. Voilà nos mariés abandonnés par leurs invités, tenus d’accomplir leur devoir conjugal en dépit du ridicule. Dans une scénographie design, ce faux cortège en costume et melon noir  prend vie avec la Mariée voilée de blanc. Les acteurs sont en forme, Nicolas Bonnefoy, Frédéric Borie, Hervé Briaux, David Bursztein, Laurence Cordier, Annie Perret, Aline Le Berre, Sylvie Orcier, Régis Royer, Laurent Manzoni, Anne Fischer. Sarcasmes et jolie frénésie.
Véronique Hotte


La Noce de Bertolt Brecht, traduction de Magali Rigaill, mise en scène de Patrick Pineau, du 9 janvier au 2 février 2010, du lundi au samedi à 20h30, dimanche 15h30 sauf les 29 et 30 à 19h et 31 à 17h30, relâche mercredi et jeudi à la MC93 Bobigny 1, bd Lénine 93000 Bobigny Tél : 01 41 60 72 72 contact@MC93.com Texte publié à L’Arche Editeur Spectacle vu à L’Onde de Vélizy-Villacoublay.

A propos de l'événement


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