Le Comte de Monte-Cristo d’après Dumas adapté par Véronique Boutonnet et mis en scène par Richard Arselin
Les membres de la Compagnie Les Ames libres [...]
Théâtre - Gros Plan /Avignon Off 2021
Avec des comédiens de grand talent, Frédérique Lazarini met en scène cette œuvre de jeunesse de Shakespeare, et éclaire brillamment ses enjeux en renouvelant le regard sur l’insoumission de la Mégère.
Dans Padoue la superbe, Catarina la rebelle tempête contre son entourage. Sa langue grondeuse rebute tous ceux qui la côtoient. Comment pourrait-elle trouver un époux ? Son père affirme qu’il n’accordera à personne la main de la cadette, la douce et courtisée Bianca, avant que Catarina la méchante ne soit mariée. La tigresse rencontrera bientôt son dompteur, Petruchio, motivé par… la dot. Si l’intrigue demeure célèbre, c’est notamment à cause du duel titanesque entre Elisabeth Taylor et Richard Burton, immortalisé par l’écran. Frédérique Lazarini et les siens s’en emparent et proposent une adaptation resserrée qui orchestre à merveille le déploiement et les tumultes du sentiment amoureux et de la guerre des sexes, mais aussi la question du rôle, du jeu, du masque social. Le spectacle reprend un procédé cher au grand Will, une mise en abyme alerte qui mêle les époques, jusqu’à l’atmosphère des merveilleuses comédies italiennes des années 1950-1960 si pleines de tendresse, de férocité, de drôlerie, mettant en lumière les fanfarons et souvent les petites gens. En effet, nous sommes sur la place d’un village accueillant un cinéma ambulant, avec bancs de bois et écran installé en fond de scène face au public, ce qui permet d’articuler entre la scène et l’écran une relation finement équilibrée, depuis des intermèdes savoureux jusqu’au dialogue entre personnages – parfois l’un à l’écran et l’autre sur le plateau.
Une partition joyeuse et piquante
Inscrits dans cet ancrage italien joyeux et exubérant, les comédiens se régalent et interprètent merveilleusement la partition. Delphine Depardieu est une superbe, sensible et touchante Catarina, Cédric Colas est un Petruchio impérieux, énergique et méchant à souhait, Guillaume Veyre interprète excellemment le valet Tranio, en cousin jumeau du mythique Totò, Maxime Lombard est un père truculent, et Pierre Enaudi un amoureux provisoirement transi. Quant à Bianca, Charlotte Durand-Raucher lui donne vie dans de piquantes scènes mais… uniquement à l’écran. Force est de constater que la chute de la pièce consacre la défaite de la mégère. Mais ici peut-être que cette soumission n’est qu’apparence… Pour finir, s’invite par la voix de Catarina une autre parole particulièrement forte et belle : celle de Virginia Woolf dans Une Chambre à soi, évoquant la « sœur merveilleuse de Shakespeare ». On se souvient de la remarquable mise en scène de ce texte par Anne-Marie Lazarini, avec Edith Scob. Si actuel, si important, cet appel à prendre « l’habitude de la liberté et le courage d’écrire exactement ce que nous pensons » résonne magnifiquement.
Agnès Santi
à 12h. Relâche les lundis. Tél. : 04 90 86 74 87.
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