Fernando Krapp m’a écrit cette lettre, par Tankred Dorst
La jeune compagnie L’Hallali en l’air, en [...]
Jean-Louis Martinelli propose une lecture minimaliste de Britannicus, confiant à des comédiens dont on connaît pourtant le talent une partition scénique à peine ébauchée, qui sert mal le génie racinien.
Avachie à la porte des appartements de Néron, Agrippine gronde et ne parvient pas à faire le deuil de sa faveur : le jeune empereur, qu’elle a réussi à placer sur le trône à force d’intrigues, n’écoute plus les conseils politiques de sa mère. Le vertueux Burrhus a également perdu son influence sur le tyran en train de naître : le caprice amoureux de l’élève est en train de ruiner le patient édifice de son mentor. L’empereur a fait enlever Junie, promise à Britannicus : si Néron règne sur Rome à la place de l’héritier légitime de Claude, il veut aussi régner à sa place sur le cœur de Junie. Exégètes, dramaturges et metteurs en scène ont sans doute déjà tout dit à propos de cette pièce célébrissime, dans laquelle Racine ausculte le conflit entre le cœur et l’Etat, la dialectique entre le désir et le pouvoir, la lutte à mort entre des personnages également assoiffés de puissance, et dont la perversion se joue de l’innocence de ceux qu’ils utilisent et écrasent. A cet égard, mettre face à face Anne Benoît et Alain Fromager, précis et subtils comédiens, pour incarner la lutte entre l’avorton sadique et sa mère dévoyée, pouvait être la promesse d’une éclatante rencontre. Encore eût-il fallu ne pas empêtrer le premier dans la pourpre froufroutante de son manteau et la deuxième dans la caricature grossière d’une virago.
Une esquisse en demi-teinte
Le reste de la distribution souffre de ce même défaut : Burrhus est d’emblée écrasé par l’échec, Narcisse est si visiblement duplice qu’il faut vraiment l’égarement halluciné de Britannicus pour l’ignorer, et seule, la Junie d’Anne Suarez, belle, simple et sincère, parvient à convaincre et à émouvoir. Les traits psychologiques des personnages sont tracés à coups de serpe, au point de transformer ceux-ci en pantins sans épaisseur ni subtilité. De la pluie initiale jusqu’à l’ultime coup de cymbale, du plateau tournant au milieu de la scène au déménagement permanent du trône par Néron, tout paraît comme approximatif, soit trop évident dans le symbole, soit trop superficiel dans l’incarnation. Jean-Louis Martinelli est un metteur en scène talentueux : la reprise, en janvier prochain, de J’aurais voulu être égyptien, remarquable spectacle créé la saison dernière, le rappellera bien mieux que ce Britannicus maltraité.
Catherine Robert
La jeune compagnie L’Hallali en l’air, en [...]