« Le Pas du Monde », la nouvelle création du collectif XY
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Ce sera un sommet de la saison théâtrale. Jean-François Sivadier renoue avec Thomas Bernhard pour un spectacle jouissif, drôle et noir. Tout est calme dans les hauteurs ou l’immarcescible intelligentsia grand-bourgeoise.
Par saison, un critique voit une centaine de pièces. Régulièrement, deux ou trois se détachent et le marquent durablement. Tout est calme dans les hauteurs en fait partie, pour nous, définitivement. Spectacle extrêmement drôle, porté par un Nicolas Bouchaud énorme, dans une dramaturgie du ressassement de l’auteur autrichien Thomas Bernhard – qui tourne en rond autour de son sujet, le traque, le creuse, l’éclaire sous bien des angles dans une même lumière, mélange de moquerie et de bienveillance – la dernière proposition du metteur en scène Jean-François Sivadier emporte les spectateurs dans un tourbillon théâtral jouissif qui ne fléchit jamais. Au centre, un couple. Thomas Moritz-Meister (Nicolas Bouchaud), auteur institutionnalisé de son vivant, qui a emménagé avec sa femme (Norah Krief), sa plus grande fan, dans une maison perchée sur ces hauteurs où tout est calme. Une doctorante, qui fait sa thèse sur l’auteur, que l’interprétation subtile de Juliette Bialek rend insaisissable et dense – bourgeoise, intello, un peu cruche, impressionnée, attirée, coincée et fantasque tout à la fois –, les accompagne. Passent également un facteur, un journaliste et l’éditeur, tous interprétés par Frédéric Noaille, clownesque à souhait avec ses postiches successifs et sa raideur toute germanique.
Un théâtre renversant
Ce couple est odieux. Snob, content de lui, follement égocentrique, sans cesse à se raconter, à se la raconter, à s’enivrer de ses propres paroles, entre récits sans intérêt, autocitations perpétuelles, envolées lyriques attendues sur la création, sentences définitives sur le monde et jugements critiques sur tout ce qui n’est pas soi. Avec leurs interlocuteurs à qui ils laissent si peu de place, ils étalent tellement leur bonheur et leur réussite qu’on voit bien que les ronge un besoin de reconnaissance jamais assouvi. Ils cochent tout ce qu’ont été les cibles obsessionnelles de Thomas Bernhard : des puissants d’une société bourgeoise hypocrite, corsetante et satisfaite, qui écrase les autres de sa toute-puissance et cache sous des atours tolérants un fond indécrottablement raciste et antisémite. Bernhard nous embarque une journée avec eux et Sivadier joue avec les ambiances à l’aide de subtiles lumières, d’un seul rideau de fond qui ouvre sur l’intérieur et d’un rouleau de moquette qui crée jardin et clôture. Il retrouve un auteur qui lui est cher ainsi qu’un couple d’interprètes (Bouchaud-Krief) qu’il connaît par cœur. Il les dirige avec brio autant qu’eux sont excellents. Car s’ils n’étaient pas ainsi fragiles, humains, ils seraient moins drôles que détestables. Le jeu rythmé qui tire vers le clown, le sens des ruptures, la malice avec le public et la formidable intelligence du texte font passer crème cette logorrhée que le couple déverse sur ses interlocuteurs. Ils en font le ferment d’un théâtre renversant.
Eric Demey
à 20h. Rens 0450334411
Théâtre National de Nice, 4-6 Place Saint-François, 06300 Nice. Du 14 au 17 octobre à 20h. Tel : 04 93 13 19 00. Spectacle vu à Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy. Durée : 2h. Tournée : les 7 et 8 avril à la Maison de la Culture d’Amiens et du 18 juin au 4 juillet au Théâtre du Rond-Point (Paris).
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