La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Jean-Claude Fall

Jean-Claude Fall - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Marc Ginot

Publié le 10 janvier 2010

Père : trop ou trop peu…

Jean-Claude Fall rassemble la troupe du Théâtre des Treize Vents dans Le Roi Lear et Richard III. Un diptyque confrontant deux figures paternelles antithétiques : la dévoration et l’absence.

Lear et Richard incarnent tous deux l’abus de pouvoir. Curieuse et actuelle coïncidence…
Jean-Claude Fall : En effet… (rires) Lear, ce roi qui se dépouille de tout en voulant tout garder ressemble sans doute à beaucoup de gens de nos métiers, et l’histoire de Richard, cet homme prêt à tout hors de toute légitimité peut faire penser à des événements récents ou des personnages contemporains… Nous en jouons d’ailleurs dans Richard III en inventant des passages improvisés en rapport avec l’actualité. Cette histoire d’un petit jeune en politique qui s’acoquine avec les puissants, trahit, achète le silence de sa femme, est sans doute encore possible aujourd’hui… (rires)
 
Comment ce projet de diptyque est-il né ?
J.-C. F. : A l’origine, je voulais faire une trilogie autour de la figure paternelle : Lear, le père dévorateur de ses enfants qui les étrangle et les tue, Richard III avec, en creux,le père absent qui débouche sur la guerre entre les frères autour de l’héritage et de la légitimité, et, en troisième volet, Jules César où le père est tellement présent qu’on ne peut s’en débarrasser qu’en le tuant. Mais le travail sur Jules César m’aurait pris trop de temps et je l’ai vu monté par des Hollandais en un projet qui m’a fait penser à ce que je voulais faire. Je n’ai donc conservé que les deux premiers tableaux.
 
« J’ai réalisé avec Le Roi Lear un travail plus classique et avec Richard III un travail très contemporain. »
 
Quelles différences entre ces deux pièces ?
J.-C. F. : L’écriture d’abord : très épurée dans Le Roi Lear, luxuriante, foisonnante et excessive dans Richard III. Ensuite, le fait qu’on est à deux endroits très différents de la littérature : d’un côté un conte initiatique, de l’autre une pièce politique. J’ai réalisé avec Le Roi Lear un travail plus classique et avec Richard III un travail très contemporain où la technique et les références sont empruntées à aujourd’hui. Ces deux tableaux s’opposent tout en s’éclairant. D’où l’idée du diptyque déclinant le même décor avec les mêmes lumières et la même troupe. Nous avons travaillé les deux pièces en même temps, nous immergeant en même temps dans leurs deux univers.
 
Pourquoi avez-vous choisi d’interpréter Lear ?
J.-C. F. : Il est compliqué de trouver un Lear. C’est d’autant plus compliqué dans mon théâtre qui suppose un grand engagement physique. Il ne me fallait pas un Lear trop vieux. Je ne trouvais donc personne pour incarner cette figure. Or, je venais de jouer Fin de Partie avec beaucoup de plaisir et de succès. Hamm et Lear sont des personnages qu’on compare souvent. C’est ce qui m’a conduit à choisir de jouer Lear, ce qui n’a vraiment été possible qu’au sein de cette aventure de troupe. Hors de ce contexte de confiance, je n’aurais pas pu le faire.
 
Dans quel ordre conseillez-vous de découvrir ces deux mises en scène ?
J.-C. F. : L’une peut aller sans l’autre mais c’est dommage. Jouer les deux pièces en continuité était difficile car elles sont presque l’envers l’une de l’autre. L’idée de l’alternance est venue de là. S’il y a un spectacle que je préfère, c’est Richard III car son écriture scénique est très belle. Je crois qu’il faut voir dans l’ordre Le Roi Lear puis Richard III. D’abord le conte puis l’histoire violente et contemporaine. Le conte pourrait paraître suranné après Richard III. Commencer par le conte est musicalement plus juste que de commencer fortissimo. Telle est ma préférence mais on peut les voir dans l’autre sens !
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Le Roi Lear et Richard III, de William Shakespeare ; mise en scène de Jean-Claude Fall. Du 4 au 31 janvier 2010. Le Roi Lear : Les 4 ; 5, 15, 16, 19, 20, 29 et 30 janvier à 19h30 ; les 7 et 21 à 19h ; les 17 et 31 à 16h. Richard III : les 8, 9, 12, 13, 22, 23, 26 et 27 janvier à 19h30 ; les 14 et 28 janvier à 19h ; les 10 et 24 janvier à 16h. Théâtre des Quartiers d’Ivry – Théâtre d’Ivry Antoine-Vitez, 1, rue Simon-Dereure, 94200 Ivry-sur-Seine. Réservations au 01 43 90 11 11. Reprise de Richard III au Théâtre de Laval le 5 février à 20h30 et au Cratère d’Alès le 9 février à 20h30. Reprise du Roi Lear au Cratère d’Alès le 10 février à 20h30 et le 11 à 19h.

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