Directeur de l’Opéra de Rennes, Alain Surrans apprécient les visions novatrices et les transpositions des metteurs en scène de théâtre, à condition qu’ils sachent écouter la musique.
« Il y a des transpositions merveilleuses qui révèlent d’autres facettes de la musique. Certains types d’ouvrages se prêtent bien à cela. »
Quel est votre politique de programmation en matière de mise en scène ?
Alain Surrans : Ce n’est pas une bonne chose de décider ce qui est bon ou pas pour le public. Je privilégie plutôt des approches diverses en matière de mise en scène. Il y a ainsi des transpositions merveilleuses qui révèlent d’autres facettes de la musique. Certains types d’ouvrages se prêtent bien à cela. Quand le livret traite d’un drame humain, mythologique, c’est, à mon sens, totalement intemporel. Il est par ailleurs pertinent de décliner par exemple les Noces de Figaro dans l’ambiance de La Règle du jeu de Renoir, car il y a la même codification des rapports sociaux. Par contre, j’avais programmé un opéra romantique allemand, Le Vampire de Marschner, que la mise en scène transposait dans le cadre du théâtre japonais kabuki. A mon sens, on perdait, dans cette transposition, la dimension fantastique de l’œuvre, ce qui était vraiment dommage. Je pense que pour des ouvrages peu connus, il faut privilégier des mises en scène intelligibles, tout comme il me paraît indispensable, si on fait Carmen,de ne pas refaire l’énième version « exotique ».
Que pensez-vous de l’arrivée des metteurs en scène de théâtre dans l’opéra ?
A.S. : C’est sous le mandat de Rolf Liebermann à la tête de l’Opéra de Paris que cette tendance s’est développée en France. Il faut rappeler que notre pays a toujours été au confluent entre deux traditions. D’un côté, l’allemande, qui a été pionnière dans l’approche théâtrale de la mise en scène d’opéra afin de renouveler ses productions de répertoire. Et de l’autre, l’italienne, dont l’esprit est très traditionaliste, avec ses effets décoratifs. Je pense que le regard des metteurs en scène de théâtre est aujourd’hui très intéressant. Mais il faut faire attention à ce qu’il ait aussi des « oreilles », pour comprendre ce que la musique dit en plus du livret. Je regrette aussi parfois que l’univers de l’opéra soit associé pour eux à celui de l’argent et leur fasse un peu tourner la tête. Enfin, certains ont parfois un peu de mépris pour les structures permanentes, venant, pour leur part, de compagnies. Cette saison, deux ouvrages reflètent bien mes choix variés de metteurs en scène. Dans Lucio Silla de Mozart, Emmanuelle Bastet va faire un travail orienté vers une certaine abstraction, traversée par la question de la mort. Tandis que Vincent Tavernier, dans La fausse magie de Grétry, va renouer avec l’esprit du théâtre du XVIIIème siècle.
Propos recueillis par A. Pecqueur