Justine Berthillot et Mosi Espinoza créent en tandem un spectacle total « On ne fait pas de pacte avec les bêtes »

Comment ce projet a-t-il débuté ?

Mosi Espinoza : Je suis péruvien, et je suis arrivé en France pour me former au cirque. Mais j’ai toujours eu envie de faire quelque chose en Amazonie. Après notre voyage au Pérou avant le Covid, j’ai proposé à Justine de repartir pour y jouer une petite forme et faire un film. Justine a alors eu envie qu’on fasse une création en France. Entre-temps, nous sommes repartis un mois en Amazonie et on a tourné la petite forme dans huit communautés.

Justine Berthillot : C’est différent pour moi, car ma rencontre avec l’Amazonie est passée par ma rencontre avec Mosi. Mon solo Notre forêt a été un premier acte de recherche avec ce territoire. Aujourd’hui, l’idée est de créer ensemble à partir de cet endroit qui nous anime. Au-delà du sujet, il y avait aussi l’envie de faire se rencontrer nos univers artistiques. Je me situe dans des registres un peu plus « premier degré » que Mosi, qui a davantage quelque chose à voir avec le burlesque.

Qu’est-ce qui, très profondément, vous a donné envie de prendre pour point de départ l’Amazonie ?

J.B. : J’ai sans doute été poussée par ma fascination pour le cinéma de Werner Herzog. Et j’avais envie de travailler la question de l’exploitation et de la folie mégalomaniaque qui résonne dans mon histoire personnelle.

M.E. : Pour moi, il s’agit de donner une place et une parole à cette terre, car c’est un endroit qui a beaucoup de forces et une grande richesse. J’ai très envie de la partager et de la faire exister dans ce que je fais. Et nous nous sommes rejoints avec Justine sur le travail de Herzog, sur la question de l’exploitation et de la domination.

Comment s’est construit le processus de co-écriture et la scénographie ?

J.B. : Pendant une année de travail sur plateau nu, nous avons créé nos partitions chorégraphiques, choisi les textes, donc élaboré la dramaturgie avec les questions qu’on voulait aborder, politiques, culturelles… Nous sommes allés en Amazonie, mais n’avons pas voulu reprendre les voix des gens. On voulait être inventifs, sans se réapproprier les paroles entendues. On a eu une grande vigilance sur ce point qui nous a forcés à être créatifs.

M.E. : Nous avons souhaité créer une scénographie qui soit aussi comme un troisième personnage exploitable pour des circassiens. Mais le croisement entre nous et la scénographie est aussi symbolique, compte tenu du récit que nous sommes en train de tisser. Ce n’est pas seulement un outil, mais un élément qui fait partie de la dramaturgie.

Entretien réalisé par Nathalie Yokel