La formation théâtrale en France
Dépasser la relation classique et exclusive du maître à l’élève
Codirecteur de l’école supérieure de théâtre Bordeaux-Aquitaine (Estba), qui
ouvrira ses portes en septembre 2007, Dominique Pitoiset croit en un cursus de
formation théâtrale permettant aux élèves de vivre, au c’ur même d’un théâtre,
un véritable compagnonnage artistique et humain.
Pourquoi avoir décidé de créer une nouvelle école d’art dramatique au sein du
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine ?
Dominique Pitoiset : Cette école est née de la volonté conjointe de
Jean-Luc Portelli (ndlr : directeur du conservatoire national de région de
Bordeaux, codirecteur de l’Estba) et de moi-même de créer une nouvelle école de
théâtre à Bordeaux. Cela pour des raisons de répartition territoriale, afin que
la partie sud-ouest de la France soit représentée au sein de la plateforme
nationale de l’enseignement supérieur pour la formation du comédien, plateforme
d’écoles reconnues par le Ministère de la Culture et ayant vocation à délivrer
le futur diplôme de comédien certifié par l’Etat. Nous nous sommes donc
concertés pour transformer la classe professionnelle d’art dramatique du
conservatoire en école supérieure nationale sur 3 ans correspondant au cahier
des charges défini par le ministère.
« Il est très important, pour moi, d’inscrire cette école à
l’intérieur d’un théâtre (?) afin que les élèves soient en contact de façon
permanente avec la dynamique de la création. »
Que souhaitez-vous placer au centre de la philosophie pédagogique de l’Estba
?
D. P. : Tout d’abord, il est très important, pour moi, d’inscrire cette
école à l’intérieur d’un théâtre, dans une relation de proximité avec de
multiples artistes en activité, afin que les élèves soient en contact de façon
permanente avec la dynamique de la création. L’Estba ne sera donc pas une école
fondée sur la prédominance d’une unique personnalité, d’un maître sacré et tout
puissant, mais plutôt une école qui permettra à chacun d’aborder de façon
évolutive de nombreuses approches différentes du théâtre. Pour moi qui suis un
ancien élève de l’école du TNS, les notions de partage, de proximité, de vie
commune, sont fondamentales et il est important qu’elles participent pleinement
de notre cursus théâtral.
Pourquoi cette idée de compagnonnage vous semble-t-elle capitale ?
D. P. : Parce que l’école représente un temps privilégié durant lequel
chacun peut apprendre, certes des cours et des professeurs, mais également au
contact des autres élèves. C’est une façon de s’inscrire dans un tissu vivant,
de se positionner dans le concret et non dans une projection de soi qui tende
vers une image de comédien. Un peu comme dans une académie. D’autre part, je
souhaite établir des rapports entre les élèves et les professeurs qui sortent de
la relation classique et exclusive du maître à l’élève. Il me semble pour cela
nécessaire de multiplier les approches et les expériences pratiques, afin de
permettre aux jeunes générations de se définir, d’inventer ce que peut-être nous
ne faisons pas encore aujourd’hui, de tracer des voies que nous n?avons pas
encore explorées.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat