Danser au cœur de la cité : un défi et une nécessité
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, […]
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile du spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium… » : sans le trahir, cet engagement profond d’Aimé Césaire (Cahier d’un retour au pays natal, Présence Africaine) peut aussi faire écho à celui éternel des artistes de la scène, et ce d’autant plus dans une société malade et meurtrie qui appelle à l’action, et aussi au rassemblement et à la joie du partage. Sans censure ni autocensure, la création et la beauté libres s’inscrivent contre le repli et l’obscurantisme.
Langage universel à la perception immédiate et sensible, la danse s’adresse à tous. A l’écoute du monde, de soi et des autres, les danseurs allient corps et esprit dans leurs démarches créatives, et révèlent par leurs gestes une énergie vitale et une résonnance à découvrir. Nul besoin d’ailleurs du secours du concept ou du primat des intentions pour que le mouvement fasse sens, bien au contraire !
En France, la politique culturelle initiée dans les années 1970 par Michel Guy, secrétaire d’État à la Culture, a permis un essor considérable de la création chorégraphique contemporaine, mais les circuits de diffusion ne suffisent pas à lui procurer la visibilité qu’elle mérite. Le public pourtant a répondu présent, et, outre cette formidable créativité des écritures chorégraphiques, la danse a aussi prouvé ses capacités en termes d’action culturelle. Pourquoi cet art majeur demeure-t-il en manque de reconnaissance au sein de la société ? Pourquoi la danse est-elle en sous-financement, et moins bien lotie que les autres arts ?
Notre hors série interroge et éclaire les enjeux artistiques, économiques, sociaux et politiques du monde chorégraphique aujourd’hui. Des enquêtes et points de vue analysent les conditions de la création et de la diffusion, les questions du public, de la programmation, de l’émergence, de la formation, du répertoire… Des artistes, des directeurs de structures, des universitaires, des pédagogues livrent leurs visions et leurs expériences, décryptent la confrontation de leurs ambitions aux difficultés du réel.
La présence de danseurs et chorégraphes associés au sein même des théâtres généralistes et structures spécialisées est une voie préconisée. Et toujours l’éducation artistique. Les acteurs du monde chorégraphique sont d’ailleurs en attente de réponses du monde politique, qui a annoncé des mesures nouvelles sans les valider, notamment la possibilité pour les Centres Chorégraphiques Nationaux et les Centres de Développement Chorégraphique de s’associer dans la durée à une équipe artistique.
Bonne lecture !
Agnès Santi