Bugging
Chaillot-Théâtre National de la Danse / Pôle Sud
Chorégraphie Etienne Rocherfort
Entretien Etienne Rochefort
Publié le 22 février 2022
Le Bugging, un nouveau style de danse ? Etienne Rochefort nous éclaire avec sa nouvelle création. Il la précède d’une web-série à guetter sur les réseaux sociaux, dont le spectacle sur scène constitue l’ultime épisode.
Quel a été votre parcours avant votre association au CDCN Pôle Sud à Strasbourg, et votre programmation à Chaillot ?
Etienne Rochefort : Mon parcours n’a rien de classique. Je suis un « faux danseur » ! Complètement autodidacte, très éclectique, éclaté, diversifié. Depuis tout petit, j’utilise mon corps pour m’exprimer, même si je ne savais pas que ça pouvait être de la danse. Vers 16-17 ans, je suis tombé dans le mouvement hip hop, j’ai fait des compétitions de scratch, intégré un groupe, sorti un album. Je suis également cinéphile, j’ai fait beaucoup de dessin, du skate-board de façon assidue, de la magie en pratiquant le close-up dans des restaurants. Plus tard, j’ai compris que toutes ces palettes qui me constituaient pouvaient former un projet. Dans mes pièces, ces outils se retrouvent d’une manière ou d’une autre : quelque chose de pictural, de graphique, se déploie, et la magie se retrouve à travers les effets d’illusion, avec la lumière et l’intégration d’ambiances ou de procédés cinématographiques.
« Bugging nous alerte sur le péril imminent de nos sociétés. »
Pourquoi avoir choisi cette idée de secousse gestuelle comme point de départ ?
E.R. : Je suis moi-même quelqu’un de très névrosé, rempli de tics et de T.O.C. Quand on en prend conscience et qu’on commence à l’écrire, ça peut devenir de la danse. L’écriture est ainsi devenue un mélange de mes propres tics, relié à une réflexion sur notre monde qui pour moi est en train de « bugger ». On arrive en bout de course de tout un système capitaliste qui sature. On le voit notamment dans l’économie ou l’écologie : ça dérape. Le propos devient fictionnel : les corps ne seraient-ils pas en train de nous alerter de quelque chose ? Ce point de départ m’a fait imaginer des corps qui buggent. Les danses urbaines ont fait le lien : le krump, le popping, le freestyle ou même le voguing sont issus de contextes qui reflètent ce bug. Des problèmes sociétaux, de violences, de discriminations, ont engendré ces mouvements. J’ai imaginé les réunir pour en faire une seule substance qui s’appellerait le bugging. On l’invente et on le décrète, comme une sorte de grosse blague, mais elle est violente, exacerbée, et nous alerte sur le péril imminent de nos sociétés.
Quelle place pour l’espoir ?
E.R. : L’observation est assez noire, mais il y a quand même une note d’espoir que je ne révèlerai pas. Dans le fond, l’objectif de cette pièce était de réunir pour la première fois pour moi un plateau de neuf danseurs : réunir des communautés, parfois très fermées, parfois clivantes, pour créer un travail collectif et un partage, constitue un espoir. On montre qu’on peut travailler ensemble, même si on est issus de milieux très différents.
Propos recueillis par Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Buggingdu mardi 12 avril 2022 au vendredi 15 avril 2022
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris
Les 12, 13 et 15 avril 2022 à 19h30, le 14 à 20h30.
Tél. : 01 53 65 31 00.
Pôle Sud, CDCN, 1 rue de Bourgogne, 67100 Strasbourg. Les 27 et 28 avril 2022 à 20h30, le 29 à 14h30.
Tél. : 03 88 40 71 21.