La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 - Gros Plan

Hate Radio

Hate Radio - Critique sortie Avignon / 2013 Avignon Auditorium du Grand Avignon-Le Pontet
© Daniel Seiffert Les médias comme puissant vecteur de la haine.

Publié le 26 juin 2013 - N° 211

Rwanda, 1994. Milo Rau expose les mécanismes de la haine à travers la reconstitution réaliste du studio de la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), vecteur de racisme et de violence. 

Le théâtre parfois reflète la banalité du réel, et cette transposition savamment travaillée,  franche et intelligible du réel sur une scène nous questionne profondément : c’est une exposition sans fard de tout ce dont l’homme est capable, et c’est un choc d’en être témoin. Milo Rau revendique cette simplicité qui bouscule le regard et ouvre la réflexion. Il travaille depuis plusieurs années à la reconstitution de situations particulièrement violentes liées à la guerre ou  au fascisme ; il a ainsi créé Les derniers jours des Ceausescu à propos du procès et de l’exécution du couple de dictateurs roumains, et a mis en espace une lecture du manifeste d’Anders Behring Breivik, l’auteur de la tuerie d’Utoeya en Norvège (initiative logiquement controversée). Hate Radio s’intéresse au génocide du Rwanda, une tragédie que le Groupov dans Rwanda 94 ou Dominique Lurcel dans Une Saison de machettes ont déjà évoquée avec efficacité et intelligence dramatique. Hate Radio retrace le quotidien de la Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), en reconstituant un studio à l’identique. Entre bonne musique et bonnes blagues, chroniques sportives et émissions de divertissement, cette radio novatrice au style décontracté a attisé la haine et lancé des appels au meurtre, utilisant les habituels rouages de la propagande si prompts à réactiver les peurs et  à décupler les fantasmes.

Condamnation brutale

« Dans Hate Radio, le spectateur ne voit pas de crânes, de cris, ni de fous ou de masses qui s’entretuent. Il voit simplement des gens qui pourraient avoir leur studio au milieu de Paris, dans une petite radio culturelle, peut-être même de gauche. Il voit des animateurs de radio qui sont cool. Ce ne sont pas ces miliciens brutaux et primitifs qu’on s’imagine. » confie le metteur en scène. Et la violence est bien là, se propage comme un éclair à travers la dénonciation des Tutsis et des Hutus modérés, à travers leur condamnation brutale et définitive. Les mécanismes de la haine, ici à l’œuvre à travers un média populaire, sont universels. Aucun exotisme dans cette radio de la haine. Les gens qui ont connu Paris dans les années trente l’ont vécu : rendu possible par une propagande féroce, le basculement dans la terreur se fait bien plus facilement que ce qu’on imagine. Du jour au lendemain, votre camarade d’école  vous méprise sans raison. L’équipe s’est très longuement documentée et les comédiens présents ont été eux-mêmes touchés par les événements. Les personnages existent, les mots ont été prononcés,  retranscrits notamment dans les comptes rendus des procès. Ce huis clos hyperréaliste appelle à la prise de conscience face à la banalité ordinaire de la folie meurtrière.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Hate Radio
du dimanche 21 juillet 2013 au mercredi 24 juillet 2013
Auditorium du Grand Avignon-Le Pontet
avenue Guillaume Fargis, 84130 Le Pontet

Festival d’Avignon. Auditorium du Grand Avignon, avenue Guillaume Fargis, 84130 Le Pontet. Du 21 au 24 juillet à 18h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 2h.
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