Un processus de création au plus près du réel

Quelles raisons vous ont poussé à accepter l’invitation à codiriger cette édition de La Beauté du geste ?

Vincent Thomasset : J’ai accepté cette invitation essentiellement pour deux raisons.  La première est que cela me donne la possibilité de programmer. Je suis un spectateur intensif et c’est pour moi un vrai plaisir de pouvoir penser à des artistes, de leur offrir l’occasion de s’exprimer et des moyens pour le faire, d’imaginer des propositions à même de séduire le public. La deuxième raison est liée au protocole de La Beauté du geste. Il donne un cadre aux créateurs qui leur permet de rebondir, invite sur le plateau du vivant. Et puis la forme performative, légère, libère d’un certain nombre de contraintes liées à la diffusion espérée d’une pièce.

« J’ai eu très envie d’éprouver comme mes camarades ce protocole tout à la fois contraignant et libérateur. »

Comment avez-vous choisi les métiers dont les gestes sont documentés, les artistes que vous invitez ?

T. : J’ai choisi des métiers, des gestes, que j’ai à un moment ou à un autre rencontrés dans ma carrière, dans ma vie, avec lesquels j’ai des affinités personnelles ou artistiques. En ce qui concerne les artistes j’ai essayé de trouver des personnes que ce projet pourrait vraiment intéresser, avec le souhait parfois de donner leur chance à des gens que j’apprécie et qui ne sont selon moi pas assez programmés. Je connais très bien certains d’entre eux, et les autres ont su éveiller chez moi une vraie curiosité, le pressentiment d’une réelle qualité. C’est le cas de Daphné Biiga Nwanak que j’avais rencontrée lors d’une masterclass à l’Atelier de Paris et dont j’avais trouvé le travail très intéressant, ou de Mirte Bogaert que j’avais découverte au CND de Pantin dans les journées Camping, nourrissant une certaine frustration de ne pas mieux connaître ce qu’elle faisait. Lorenzo de Angelis est un ami, l’interprète de plusieurs de mes pièces et également chorégraphe. Martine Pisani est quelqu’un dont j’aime beaucoup le travail, qui crée depuis longtemps maintenant et faire appel à elle est pour moi une façon de mélanger les générations. Enfin, une soirée consacrée aux arts plastiques est organisée en partenariat avec le Centre d’art contemporain de Brétigny. J’ai demandé à sa directrice, Céline Poulin, de me soumettre des noms d’artistes et j’ai choisi Zoé Philibert dont le travail m’a séduit.

Vous allez vous aussi proposer une performance. Sur quels gestes allez-vous vous pencher ?

T. : Initialement je ne voulais pas le faire, par principe. Puis j’ai eu finalement très envie d’éprouver comme mes camarades ce protocole tout à la fois contraignant et libérateur. Je suis associé aux gestes domestiques, les seuls qui n’appartiennent pas à un métier. Pour l’ensemble des projets Ilanit Illouz, une plasticienne avec qui je collabore depuis longtemps, a filmé les gens au travail et réalisé une vidéo d’une dizaine de minutes qui sert de base pour la création des artistes et est projetée le soir où a lieu la performance. Dans mon cas c’est un peu différent. Le processus aurait impliqué de révéler les intérieurs des habitants sur la scène. Je vais donc emprunter des gestes domestiques dans des films, dans des fictions, et nous allons nous les approprier avec des Brétignolais amatrices et amateurs. Au lieu de partir du réel pour l’amener sur le plateau, nous allons partir de la fiction pour l’amener avec des gens réels sur le plateau.

Propos recueillis par Delphine Baffour