Simon Proust et les voies de la direction musicale

Simon Proust enseigne au CNSM de Paris, où il a abordé avec les étudiants les différentes facettes du travail d’orchestre. Mais c’est la première fois qu’il grave un disque avec l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire  et le Concerto d’Aranjuez de Rodrigo. « En deux jours, nous avons assez peu de temps pour l’enregistrement : il faut être efficace et précis. L’enjeu va être d’aller à la rencontre de la vision du guitariste, Sotiris Athanasiou. La difficulté de ce concerto est de sortir des espagnolades qui lui sont généralement associées, alors que son inspiration ne se résume pas à ces clichés. Dans ce travail d’interprétation, il y a également une dimension de diffusion nouvelle pour moi, qui se rapproche de la réalité du terrain discographique. » Trois jours plus tard, le 18 novembre, Simon Proust est confronté à un tout autre aspect dans la formation du chef, en dirigeant l’Orchestre de Picardie pour la finale du concours Etoiles du piano à Roubaix. Il accompagnera les cinq finalistes. Chacun choisira un concerto parmi une liste de cinq – le Vingt-troisième de Mozart, le Deuxième de Saint-Saëns, le Deuxième de Chopin, le Quatrième de Beethoven et l’opus de Schumann. « L’approche est ici entièrement différente : préparer l’orchestre aux différentes options d’interprétation des solistes pour avoir, le jour du concert, la meilleure réactivité possible par rapport au jeu des pianistes, et le mettre au mieux en valeur. Il faut que le travail reste suffisamment neutre pour ne pas cadenasser l’orchestre dans une lecture trop personnelle des œuvres. S’il est un passage obligé dans la formation du musicien, le format du concours impose des conditions très artificielles, aux antipodes de la vie normale d’un orchestre, où on ne joue jamais deux fois de suite le même concerto dans une soirée. »

Les différentes facettes du travail d’assistant à la direction musicale

Le poste d’assistant constitue une étape essentielle dans l’apprentissage du métier de chef, pour se nourrir de la pensée et de l’expérience de baguettes reconnues, mais aussi pour se plonger dans le travail quotidien avec un orchestre. Simon Proust reprend ainsi le programme autour de Ligeti et Mozart que François-Xavier Roth dirige à Radio France le 28 novembre. « Il s’agit d’abord d’une révision, refaire les passages difficiles, individuellement ou collectivement, ou porter l’attention sur des détails que l’on n’avait pas approfondis jusque-là. Cela permet aux musiciens de se sentir à l’aise, afin qu’ils réinventent le programme à chaque concert, et d’éviter la routine, même s’ils l’ont déjà beaucoup tourné. » L’aventure au long cours de Simon Proust avec les Siècles trouve un écho avec l’encadrement pédagogique, qu’il prodigue, aux côtés du violon solo François-Marie Drieux, à l’ensemble à cordes du Pôle Aliénor, en région Nouvelle-Aquitaine. « Dans la prochaine session, on va apprendre aux étudiants à décrypter le geste du chef dans des pages assez peu jouées : la Troisième Suite antique de Respighi, la Sérénade d’Elgar et l’Andante festivo de Sibelius, aux côtés d’un grand classique, l’Adagio de Barber. Dans cette ouverture à un répertoire qu’ils connaissent moins, ils auront une oreille plus naïve pour se concentrer sur la réactivité à la gestuelle du chef. » Si sa fonction auprès de François-Xavier Roth pour les reprises privilégie l’efficacité technique, sa collaboration avec Emmanuelle Haïm l’implique davantage dans le travail de recherche sur les sources, les questions de style, les exigences de prononciation. Il a travaillé à ses côtés pour deux Mozart – Cosi fan tutte au Théâtre des Champs Elysées en 2022 et Don Giovanni cet automne à Lille – et aborde l’opéra baroque, qu’il a encore assez peu pratiqué. Après un Giulio Cesare de Haendel l’hiver dernier à Amsterdam, il l’accompagnera pour le Polifemo de Porpora en février à Strasbourg et les deux Iphigénie de Gluck au Festival d’Aix-en-Provence l’été prochain.

Gilles Charlassier