Rencontre avec les directeurs du Châtelet Ruth Mackenzie et Thomas Lauriot dit Prévost

Qu’avez-vous prévu pour la réouverture du théâtre ?

Ruth Mackenzie : Nous proposons un spectacle festif conçu spécifiquement pour cette réouverture, un spectacle familial et pluridisciplinaire, hors normes, qui invite les Franciliens à participer à un défilé joyeux depuis l’Hôtel de Ville jusqu’à la grande salle restaurée du théâtre, aux côtés notamment de marionnettes géantes venues du Mozambique créées par Dimas Tivane, et de nombreux amateurs impliqués pour l’occasion. Puis le cortège rejoindra les foyers du théâtre à la rencontre de l’univers d’Erik Satie. Pour finir, place au spectacle auprès des danseurs d’Elizabeth Streb et de Stéphane Ricordel, qui déjà œuvrèrent avec succès ensemble lors de Picasso Circus, programmé l’an dernier sous la nef du musée d’Orsay.

« Nous proposons un rapport repensé entre les artistes et le public. »

Thomas Lauriot dit Prévost

« Les artistes ont en commun une manière audacieuse et ouverte d’envisager la création. »

Ruth Mackenzie 

Cet événement donne le ton de votre projet…

Thomas Lauriot dit Prévost : La manière dont nous avons préparé et construit Parade insuffle une dynamique collaborative. Nous proposons un rapport repensé entre les artistes et le public. Notre projet inclusif et participatif vise à changer la relation entre le public et le théâtre. Les nombreux rendez-vous et ateliers qui ont eu lieu avec le public au cours de l’année et demie qui vient de s’écouler lui ont permis de prendre part au processus créatif, ont impulsé des dialogues et ont même inspiré les artistes. Afin de lutter contre le cloisonnement et l’entre-soi, nous voulons favoriser l’accès du théâtre à ceux qui habituellement ne franchissent pas ses portes, mélanger les publics et les générations, créer du lien entre des gens différents qui peuvent vivre grâce au théâtre une expérience en commun. Et afin d’impliquer davantage les jeunes, 10000 billets à 10 euros leur sont réservés cette saison.

R.M. : Notre spectacle inaugural est un clin d’œil à l’historique et si moderne Parade qui fit scandale, créé en 1917 au Théâtre du Châtelet, commandé par les Ballets Russes de Serge Diaghilev à Erik Satie, Jean Cocteau et Picasso. Nous nous inspirons de ces vigoureuses racines et de l’histoire du théâtre pour inventer des fruits nouveaux, en compagnie d’artistes magnifiques issus d’univers hétéroclites, populaires ou savants : opéra, musique, théâtre, arts visuels, danse, cirque, littérature, poésie, rap… Tout est possible !

Qui sont ces artistes ?

R.M. : Qu’ils viennent de France ou d’ailleurs, ils ont en commun une manière audacieuse et ouverte d’envisager la création. En octobre, Abd Al Malik, grand admirateur de l’œuvre d’Albert Camus, porte à la scène Les Justes, « tragédie musicale » avec rap, slam et autres motifs musicaux. A découvrir aussi par exemple le singapourien Ong Keng Sen qui réinvente Les Troyennes en Corée, ou l’australien Barrie Kosky qui impulse une formidable énergie à l’oratorio Saül de Haendel. Teodor Currentzis, qui pour le néophyte ou l’initié rend toute œuvre intéressante, s’installe en résidence à partir de 2019.

T.L. d. P. : Des œuvres majeures et parfois anciennes de Pina Bausch, Merce Cunningham et William Forsythe sont à l’affiche. En résidence au Châtelet de 1990 à 1998, ce dernier est très ému d’y revenir ; lorsqu’il a revu le plateau, il nous a confié être frappé par la sensation d’intimité que transmet la scène. Nous reprenons aussi Un Américain à Paris, triomphe mondial créé en 2014 sous la direction de Jean-Luc Choplin. En outre, nous tenons à promouvoir l’égalité salariale entre hommes et femmes et à inviter des artistes femmes – Elisabeth Streb, Rokia Traoré, Gisèle Vienne… -, qui sont un modèle inspirant pour la jeunesse.

Propos recueillis par Agnès Santi