La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

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Philippe Nahon

Philippe Nahon - Critique sortie Classique / Opéra
Crédit photos : Arthur Péquin.

Publié le 10 janvier 2009

Créer en affinité avec les compositeurs : une liberté fondée sur la complicité

Depuis 1988, le chef d’orchestre Philippe Nahon est à la tête de l’Ensemble Ars Nova. Il nous explique ce qui fait la singularité de cette formation dans le paysage de la musique contemporaine.

« Ars Nova a souhaité aller à la rencontre des créateurs d’aujourd’hui : les compositeurs, mais aussi les danseurs, les plasticiens… »
 
Face à la diversité des courants de musique contemporaine, comment se situe Ars Nova en matière de politique artistique ?
 
Philippe Nahon : Contrairement aux autres ensembles de musique contemporaine, Ars Nova ne donne pas de concerts confrontant beaucoup d’œuvres de compositeurs différents. Nous privilégions les soirées monographiques. Ce qui nous importe, c’est de faire de véritables rencontres avec des compositeurs. Je recherche une affinité commune avec les créateurs. J’ai trouvé ce rapport avec Alexandros Markeas ou avec Zad Moultaka, deux compositeurs qui créent à partir de leurs origines, grecque pour le premier, libanaise pour le second.
 
Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’ensemble depuis sa création en 1963 ?
 
P.N. : De 1979 à 1988, j’ai été l’assistant de Marius Constant, le fondateur de l’Ensemble. Cette période a notamment été marquée par La Tragédie de Carmen  mise en scène par Peter Brook et dont la musique de Bizet avait été arrangée par Marius Constant. Le spectacle a été joué plus de 1000 fois dans le monde, et j’ai moi-même dirigé pas loin de 400 représentations ! Cette expérience a été capitale pour moi, car elle a décidé de mon avenir. Je ne voulais plus devenir un chef à la Karajan, préférant prolonger cet esprit de troupe. En 1988, Marius Constant m’a proposé de prendre sa suite à la tête d’Ars Nova. Une page dans la vie de l’Ensemble a alors été tournée, avec notamment le recrutement d’un grand nombre de jeunes musiciens. Ars Nova a souhaité aller à la rencontre des créateurs d’aujourd’hui : les compositeurs, mais aussi les danseurs, les plasticiens…
 
Ars Nova est actuellement en résidence à Poitiers. Vous disposez d’un bel outil : le tout nouveau T.A.P. (Théâtre Auditorium de Poitiers)…
 
P.N. : Notre installation en Poitou-Charentes remonte à plus de vingt ans. J’étais alors directeur du Conservatoire de La Rochelle. Le Ministère de la Culture souhaitait décentraliser les ensembles de musique contemporaine, et La Rochelle avait l’avantage de proposer déjà des Rencontres internationales d’art contemporain et de posséder une Maison de la culture particulièrement dynamique. Malheureusement, les deux institutions ont déposé le bilan, et Ars Nova a alors déménagé à Poitiers. Aujourd’hui, c’est un vrai bonheur d’être en résidence au T.A.P. Outre Ars Nova, l’Orchestre des Champs-Elysées et l’Orchestre Poitou-Charentes y sont également implantés. Je regrette seulement qu’il nous soit encore difficile de faire des projets tous ensemble…
 
Ars Nova est aussi en mission, depuis 2000, en Nord-Pas de Calais. Quel est le but de cette démarche ?
 
P.N. : Les responsables de la Drac Nord-Pas de Calais nous ont sollicités car ils appréciaient notre travail en Poitou-Charentes. C’est un projet de diffusion, avec notamment des concerts à Douai, Valenciennes…, mais aussi d’ordre pédagogique. J’encadre notamment des harmonies, très nombreuses dans cette région.
 
L’Etat a annoncé un gel de 5% des crédits alloués à la Culture pour 2009. Etes-vous inquiet ?
 
P.N. : Le monde est dans une panade financière. Toutefois ce qui m’inquiète le plus, ce ne sont pas les questions de financement, mais l’esprit du gouvernement. Car ce que je revendique à travers la création, c’est une liberté totale. Il faut être vigilant par rapport à cela. J’ai aujourd’hui 63 ans, j’ai consacré ma vie à la création, je peux m’arrêter. Mais j’ai peur pour les jeunes ensembles, dont certains mettent la clé sous la porte après deux années d’existence. Pour l’anecdote, j’ai dirigé en 1979 un opéra d’un certain Alberto Bruni Tedeschi, dont l’une des filles, qui était à l’époque dans la salle, n’est autre que Carla Bruni-Sarkozy…
 
Comment se passent les répétitions d’Hydrogen Jukebox de Philip Glass que vous dirigez à l’Opéra de Nantes ?
 
P.N. : Après Cuore et Golem, c’est le troisième opéra que nous montons à l’Opéra de Nantes-Angers. Chaque année, le directeur, Jean-Paul Davois, programme une œuvre de musique contemporaine. Hydrogen Jukebox est un véritable pamphlet sur l’Amérique des années 80, qui reste toujours d’actualité. La partie musicale est d’une simplicité très belle, avec des blues, du gospel… Bob Dylan aurait parfaitement pu chanter cet opéra.
 

Propos recueillis par Antoine Pecqueur

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