Le théâtre, un endroit émotionnel
Après avoir monté Bérénice en 2014, Christian [...]
À un mois de la création de Phèdre, La Terrasse est conviée à une répétition. Direction le Théâtre de la Caravelle de Meaux, pour deux heures de travail sur la scène 1 de l’acte III entre Phèdre et œnone. Un moment crucial après que Phèdre a avoué son amour à Hippolyte.
Vendredi 28 septembre 2018. Il est 11h. Le metteur en scène Christian Huitorel pénètre dans le hall du théâtre de la Caravelle où il a obtenu une résidence de répétition. Les deux comédiennes Caroline Frossard (Phèdre) et Chantal Trichet (œnone) sont déjà dans la salle. Installées sur les banquettes côté spectateurs, chacune récite son texte à toute allure, façon de se le mettre en bouche et en mémoire. Assis à quelques mètres, le metteur en scène corrige les éventuelles erreurs. Un quart d’heure plus tard, les comédiennes montent sur scène. Le plateau est nu, avec pour seul accessoire un banc métallique en son centre. Les voix portent, les silences apportent une densité qui contraste avec le texte déboulé tout à l’heure. Le travail au plateau n’a commencé que depuis quelques jours, mais depuis un an, le metteur en scène a régulièrement fixé des rencontres avec ses acteurs, pour parler du texte et de leurs rôles. Dans cette scène d’ouverture de l’Acte III, la question qui se pose est le rapport entre la reine et sa confidente.
Un changement de tonalité
Plusieurs options s’ouvrent, comme le montre une interrogation de Caroline Frossard : « Ce n’est pas grave si la confusion du personnage n’est pas dans le corps aussi ? » Réponse du metteur en scène : « Essaie ! ». C’est le mot qui revient le plus souvent pendant les cinquante minutes que se répète cette scène. Christian Huitorel n’impose pas de vision, il laisse à ses actrices la liberté de proposer. S’il sent que c’est juste, il valide – ce qui est souvent le cas. Au fur et à mesure qu’elles rejouent leur scène, les comédiennes occupent davantage l’espace, donnant l’impression qu’elles s’approprient le plateau, le remplissent autant avec leurs mots qu’avec leurs corps. Lorsque nous partons au bout de deux heures, le spectacle a déjà changé de tonalité. C’est allé par graduations infimes, presque imperceptibles, mais l’évolution est tangible. La maturation se fait et continuera de se faire. Un travail singulier, étiré et réitéré, au cours duquel les personnages prennent chair, la vision du metteur en scène se confirme. On n’est encore qu’à J -30.
Isabelle Stibbe
mise en scène Christian Huitorel.
Création les mardi 6 et jeudi 8 novembre 2018 à 20h
Tél. : 02 53 93 50 00.
Puis le 11 décembre au Centre d’art et de culture de Meudon et le 18 décembre au Théâtre Luxembourg de Meaux.