Itinérance et ateliers démocratiques
Depuis plus de vingt ans, La Comédie organise [...]
Focus -295-À la Comédie de Béthune, retour aux fondamentaux
Metteur en scène et pédagogue, Cédric Gourmelon s’est formé à l’école du Théâtre National de Bretagne. Associé au Quartz – scène nationale de Brest, puis à La Passerelle – scène Nationale de Saint-Brieuc, il a également travaillé en Russie et au Maghreb avant de rejoindre la Comédie de Béthune.
Quel directeur voulez-vous être ?
Cédric Gourmelon : J’ai envie d’être un directeur qui ramène la création au cœur du projet en revenant aux valeurs fondatrices des CDN. Leurs missions se sont multipliées au fil des années et des choses passionnantes sont nées de cette diversification, mais je veux retrouver une ligne directrice qui peut paraître simpliste si on ne l’explicite pas : faire du théâtre… On a parfois l’impression que cette mission essentielle ne suffit pas et l’on assiste à une inflation de la pluridisciplinarité, et à un recul du texte et de la langue. Auparavant, ce sont ces projets alternatifs qui étaient difficiles à monter ; paradoxalement, c’est désormais l’inverse. Je crois qu’il nous faut également réinterroger la question de la direction d’acteur. Les écritures de plateau aspirent à renouveler les codes mais elles n’y parviennent pas toujours, restant souvent dans une relation de classicisme aux textes. Il y a là un aspect faussement novateur dont on ne doit pas être dupe, à moins de s’enliser, comme s’enlise la « dérive Facebook » du théâtre.
Qu’est-ce à dire ?
C.G : Il est évidemment important que les débats sociétaux montent sur scène, mais nous allons mourir si nous nous en contentons sans interroger la forme de notre art. Il ne suffit pas d’aborder des questions brûlantes pour que cela soit artistiquement intéressant. Il faut continuer à garder une exigence artistique. Beaucoup d’énergie est aujourd’hui consacrée aux débats et à la communication, au détriment du geste. Mon envie est donc de revenir aux fondamentaux. Revenir au théâtre. Ce qui ne signifie pas revenir à un vieux théâtre poussiéreux. Voyez ce que fait Pauline Bayle, pour ne citer qu’elle : c’est modeste, simple et en même temps perfectionniste, précis et porté par un évident plaisir à travailler ensemble. Ma ligne directrice, c’est donc : du théâtre, de la direction d’acteur, de la mise en scène et les retrouvailles avec l’épopée de l’artisanat théâtral.
Comment prenez-vous en compte le territoire du CDN ?
C.G : Il y a ici un véritable appétit de théâtre. Shakespeare remplit la salle. Avec une dimension d’émerveillement (des costumes, de beaux décors) avec lequel je ne veux pas transiger et pour lequel je n’ai pas envie d’être méprisant. Mon projet ne s’est pas construit hors sol. J’ai rencontré beaucoup de gens pour le formuler : je souhaitais une adéquation avec le territoire. La Comédie de Béthune est un beau CDN où ceux qui travaillent sont là depuis longtemps et ont traversé plusieurs directions. Il s’affirme aussi une tradition technique très forte, où la transmission a permis la formation de techniciens doués, à l’image de Pascal Bénard, le directeur technique qui dirige une équipe compétente et réputée. De même, l’équipe des relations publiques fait depuis longtemps un énorme travail pour développer l’acuité du regard du public : il y a là un vrai travail de fond qu’on ne peut pas parasiter avec du marketing. Je veux concentrer toutes ces énergies autour de l’exigence artistique. Il faut que chaque représentation soit exceptionnelle ! Nous le devons aux spectateurs. Affirmer une esthétique, c’est réellement politique…
Propos recueillis par Catherine Robert
Tél : 03 21 63 29 19.
Site : www.comediedebethune.org