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Focus -327-Mathilde Calderini, une flûtiste ambassadrice de son instrument

Mathilde Calderini, une flûtiste ambassadrice de son instrument

Mathilde Calderini, une flûtiste ambassadrice de son instrument - Critique sortie  Paris Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique
Mathilde Calderini, flûte supersoliste de l'Orchestre Philharmonique de Radio France Crédit : Jean-Baptiste Millot

Focus Spedidam

Publié le 26 novembre 2024 - N° 327

Première flûte solo au Philharmonique de Radio-France depuis quatre ans, Mathilde Calderini invite à entrer dans le laboratoire de son métier de musicienne d’orchestre, qui nourrit également ses explorations dans le répertoire chambriste.

Le 13 décembre, vous jouez la Symphonie n°3 de Prokofiev sous la direction de Lahav Shani. Comment abordez-vous cette partition ?

Mathilde Calderini : Prokofiev explore les ressources expressives de la flûte, qui nous permettent d’incarner toute une galerie de personnages et de caractères. Par exemple, dans Pierre et le loup, elle figure l’oiseau. C’est un morceau redoutable, souvent au programme des concours. Dans la suite de Roméo et Juliette, elle représente Juliette. S’il y a aussi le sarcasme, Prokofiev met d’abord en valeur la fluidité chantante de la flûte, par exemple dans le deuxième mouvement de la Première Symphonie, ou dans le Concerto pour piano n°3, où sa volubilité est parfois striée de saccades.

Quatre ans après un concert du Philharmonique de Radio France dirigé par Myung Whun Chung, vous reprenez le Troisième Concerto, sous la direction de Tarmo Peltokoski en janvier. Qu’attendez-vous de la diversité des approches des chefs ?

M.C. :  Reprendre les chefs-d’œuvre avec des personnalités différentes permet d’en explorer une autre vision. Je pense par exemple à la  Symphonie n°2  de Mahler. Esa-Pekka Salonen,  avec le Philharmonia Orchestra à Londres,  s’appuyait sur la souplesse de la ligne mélodique. Alexandre Bloch à Lille insufflait une jeunesse à la fois exaltée et extatique. La baguette très précise de Mikko Franck avec le Philhar’ laissait une liberté expressive qui donne au son une inspiration et une intériorité particulières. À quelques années d’intervalle, l’orchestre lui-même évolue, et n’a pas forcément envie de donner la même interprétation. Pour revenir aux chefs, j’ai été marquée par la dimension humaniste, un peu mystique de Myung Whun Chung, et l’élégance faite de transparence et d’intelligence du phrasé de John Eliot Gardiner dans la musique française. J’ai déjà joué une fois sous la direction de Tarmo Peltokoski.  Il surprend par sa maturité, avec une compréhension déjà personnelle des œuvres. C’est également intéressant d’établir une relation de confiance avec les chefs de la nouvelle génération,  pour échanger et construire ensemble une interprétation.

« L’écoute mutuelle est notre guide, qui fait évoluer notre sonorité d’orchestre. »

Comment a évolué votre place au Philhar’ depuis votre arrivée au milieu de la crise du Covid ?

M.C. :  Les premiers pas ont été un peu compliqués, à cause des barrières sanitaires qui contrariaient l’intégration dans l’orchestre. On avait certes la chance de pouvoir jouer pour la radio, mais le public me manquait. Au concert, il y a une dimension de partage, que je trouve indispensable et qui me passionne.  Cet échange est parfois encore plus évident lorsque l’on joue  devant les enfants.  Avant Noël, nous présentons une fiction musicale, La Grenouille à grande bouche, sur une partition commandée à Jean-Claude Gengembre, timbalier solo de l’orchestre, et je me réjouis déjà de voir les sourires des plus jeunes.  En quatre ans, mon jeu s’est ouvert, et j’ai appris à doser ma présence selon les situations. L’écoute mutuelle est notre guide, qui fait évoluer notre sonorité d’orchestre.

En quoi votre travail au Philharmonique de Radio France nourrit-il vos projets personnels ?

M.C. : Ce que je fais à l’orchestre ouvre des perspectives de répertoires et me donne des idées de programmes, en particulier pour  l’Ensemble Ouranos,  mon  quintette à vents. Je m’attache également à défendre la création. Dans mon premier disque, pour flûte et piano, sorti en juin dernier, qui met en valeur les  compositrices, j’ai commandé à Lise Borel une pièce, Miroir. En novembre,  j’ai participé à la création du nouvel opéra de chambre de Benjamin Attahir, Le Jardin d’Afrique. En tant qu’interprète, je me sens comme l’ambassadrice de mon instrument, et je veux contribuer au développement de son répertoire, en particulier contemporain.

 

Propos recueillis par Gilles Charlassier

A propos de l'événement

Mathilde Calderini
du samedi 7 décembre 2024 au jeudi 16 janvier 2025
Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique
Concerts à La Maison de la Radio et de la Musique avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France

Les 7, 13 et 21 décembre, et les 10 et 16 janvier. Ensemble Ouranos à Marseille le 1er février.

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