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Focus -268-Théâtre Dijon Bourgogne

Marivaux, un patrimoine à réactiver

Marivaux, un patrimoine à réactiver - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Aquarium
©Vincent Arbelet Benoît Lambert

Entretien / Benoît Lambert
Le Jeu de l’amour et du hasard / Texte de Marivaux / mes Benoît Lambert

Publié le 7 août 2018 - N° 268

Benoît Lambert met en scène pour la première fois une pièce de Marivaux, avec notamment quatre jeunes comédiens issus de l’Ensemble 24 de l’ERACM, l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille, en contrat de professionnalisation au Théâtre Dijon Bourgogne. 

Si la collaboration avec des auteurs contemporains, tels que Jean-Charles Massera et François Bégaudeau, tient dans votre travail de metteur en scène une place majeure, vous revenez régulièrement à des classiques. Pourquoi ?

Benoît Lambert : Avant Le Jeu de l’amour et du hasard, j’ai en effet monté trois pièces de Molière et autant de Musset, essentiellement parce que ce sont des auteurs que l’on enseigne à l’école. C’est par eux que j’ai découvert le théâtre et aujourd’hui encore, ce sont essentiellement des classiques que les professeurs emmènent voir à leurs élèves. Autant donc en faire quelque chose de vivant, afin de permettre un dialogue avec eux. Je pense aussi qu’il ne faut pas laisser le patrimoine à nos ennemis, ceux qui défendent une vision identitaire de la culture. Cette mise en scène de Marivaux est également très liée à l’institution que je dirige, où j’ai fait de la jeunesse une préoccupation centrale.

Cela notamment à travers un dispositif d’insertion professionnelle mis en place en 2014, dont quatre des six comédiens du Jeu de l’amour et du hasard sont issus.

Benoît Lambert : Tout juste sortis de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille (ÉRACM), Rosalie Comby, Edith Mailaender, Malo Martin et Antoine Vincenot sont en effet accueillis par le Théâtre Dijon Bourgogne depuis la rentrée 2017. C’est en cherchant ce que je pourrais faire avec eux que j’ai pensé à cette pièce de Marivaux, auteur que je connaissais mal et que j’ai eu plaisir à explorer avec eux pour la première fois. D’importance égale, les rôles de Silvia, Lisette, Arlequin et Dorante sont parfaits pour quatre jeunes comédiens. Ils leur offrent un espace de recherche et d’entraînement, ainsi que la possibilité de se confronter à l’histoire de leur discipline.

D’où le choix des comédiens Robert Angebot et Étienne Grebot, pour partager avec eux cette aventure ?

B.L : Je connais Robert Angebot et Étienne Grebot depuis très longtemps. Le premier a été mon professeur dans l’école de Pierre Debauche, qui nous a quittés cette année, et est une mémoire concrète de la décentralisation. Quant au second, j’ai travaillé à plusieurs reprises avec lui, notamment sur Molière et Musset. Je suis convaincu que les professeurs doivent jouer avec leurs élèves. Que la transmission doit se faire de manière vivante.

« Je suis convaincu que les professeurs doivent jouer avec leurs élèves. »

Comme tous les autres classiques que vous avez montés, Le Jeu de l’amour et du hasard a été mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Hasard ou parti pris ?

B.L : Son On ne badine pas avec l’amour, que j’ai vu à l’adolescence dans le cadre scolaire, a été une révélation. J’ai ensuite vu son Scapin, puis sa mise en scène du Jeu de l’amour et du hasard et, si je n’ai jamais choisi consciemment un texte pour son rapport avec Jean-Pierre Vincent, il est évident que je reste très influencé par cet artiste. Et que ma manière d’aborder les classiques a beaucoup en commun avec la sienne, elle-même dans la continuité de la pratique brechtienne de lecture « classiste », initiée en France par Roger Planchon.

Selon cette lecture, cette pièce de Marivaux a souvent été analysée comme annonciatrice de la Révolution française. Est-ce aussi votre avis ?

B.L : Je n’irais pas jusque-là. En effet, les trois actes du Jeu de l’amour et du hasard ont beau être riches en rebondissements, force est de constater qu’ils ne changent pas grand-chose. Après avoir pris la place de leurs valets, les maîtres Silvia et Dorante finissent par se marier. De même que Lisette et Arlequin, qui ont espéré un moment échapper à leur classe. L’ordre social n’est donc pas affecté. Reste que les valets ont fait l’expérience de l’oisiveté et du discours amoureux, ce qui les a forcément transformés. C’est ce que je souhaite réussir à montrer.

En quoi cette histoire de mariage peut-elle selon vous résonner auprès des jeunes générations ?

B.L : Si le mariage de Marivaux renvoie à une société passée, la question de la place des femmes y est abordée d’une manière très moderne. Silvia se comporte sur le terrain amoureux comme en guerre. Elle impose sa volonté. L’intérêt de cette pièce réside aussi dans le fait qu’elle a été écrite très près des plateaux, dans une langue que les jeunes artistes ont souvent beaucoup de plaisir à s’approprier.

 

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

du mercredi 26 septembre 2018 au dimanche 21 octobre 2018
Théâtre de l’Aquarium
Route du champ de Manœuvre, 75012 Paris

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tel : 01 43 74 99 61.

 

Également au Théâtre Dijon Bourgogne du 6 au 17 novembre. Le reste de la tournée 18/19 sur www.tdb-cdn.com.

 

Théâtre Dijon Bourgogne
Parvis Saint-Jean, rue Danton, 21000 Dijon.
Tel : 03 80 30 12 12. www.tdb-cdn.com

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