Le TNS voyage dans le Sud avec Caroline Guiela Nguyen, Stanislas Nordey et Jean-Louis Martinelli.
Trois figures du Théâtre national de [...]
Focus -333-Aux Théâtres à Marseille, Aix et Arles, le service public de la culture à son meilleur
Il fut comédien, metteur en scène d’opéras, directeur à 23 ans du Théâtre Essaïon à Paris. Dominique Bluzet est aujourd’hui à la tête des Théâtres, vivier luxuriant qu’il fait vivre avec savoir-faire, ambition et conviction.
Trois villes, 5 théâtres, un festival : comment s’est construite cette pluralité, et surtout comment l’appréhendez-vous ?
Dominique Bluzet : L’aventure a débuté au Théâtre du Gymnase dans les années 1990. Je me souviens que lors de ces saisons fondatrices a été créée dans une friche industrielle La Solitude des champs de coton de Patrice Chéreau, que j’ai produit. Ce fut un moment mémorable ! Nous avons évolué en agrégeant plusieurs théâtres, à Marseille, puis Aix, et dernièrement Arles, trois villes très contrastées chacune reliée fortement au monde de l’art. Nous avons façonné au fil du temps une aventure artistique, entrepreneuriale et citoyenne plutôt atypique, en conjuguant les ressources de la puissance publique et du secteur privé, en construisant un outil puissant dédié au public et aux artistes, en conjuguant ancrage local et ouverture au monde. Aujourd’hui 340 salariés travaillent dans notre écosystème culturel, qui propose quelque 800 représentations et une grande diversité de formes, de la création contemporaine la plus pointue au stand-up. Le public est là, notre taux de remplissage est de plus de 90%. Mais je tiens à dire que ma mission ne consiste pas seulement à convoquer un public de proximité à la découverte de l’art. Je me vois plutôt comme un acteur culturel majeur du territoire, dont l’objectif est de faire circuler les productions artistiques. La pluralité des lieux permet de mutualiser, de rayonner, de renforcer l’accès à la culture. Dans cette optique, l’idée de mise en réseau est selon moi l’une des seules voies pouvant sauver un certain nombre de théâtres, qui sans cela vont péricliter, parce que les villes ne vont pas investir dans un lieu où il ne se passe presque rien. Je crois qu’on peut revivifier un territoire à partir d’une matrice centrale, en allant vers les gens, au lieu d’attendre qu’ils viennent à nous.
Comment faites-vous vivre la relation au public ?
D.B. : Nous avons mis en place des dispositifs spécifiques. Né en 2021 suite à la fermeture du Gymnase pour travaux et à la crise du Covid, « Aller Vers » concrétise un principe simple : si vous ne pouvez pas venir aux Théâtres, Les Théâtres viendront à vous ! Afin de déjouer les obstacles liés au transport, aux moyens financiers, au sentiment d’illégitimité, c’est nous qui nous déplaçons. Sur les terrains de pétanque, dans les EHPAD, dans les cafés comme avec « je vous offre un vers » de Nicole Ferroni autour d’une histoire de Marseille, dans les parcs auprès des enfants avec une commande passée à un auteur, dans les cours d’immeuble où vient chanter un ténor d’opéra, dans les églises avec un Ave Maria Tour… : ce sont autant de bulles de bonheur, de moments spectaculaires qui suscitent la curiosité. Dans le même esprit, « Musique en partage », volet solidaire adossé au Festival de Pâques, propose une trentaine de rendez-vous gratuits pour toutes les générations. Cette idée de partage, de solidarité, est consubstantielle à notre métier. Aux Théâtres, la décentralisation, ce n’est pas programmer ailleurs ce qui se fait dans nos lieux, c’est plutôt inventer dans une multitude d’endroits une programmation autre. Un service public de la culture a cette double mission : la relation au plateau, à la création, et la relation à la citoyenneté. On transporte bien les bureaux de vote dans les villages, pourquoi ne pas y faire venir les arts vivants ? C’est un formidable moyen d’enrichir la pensée, d’ouvrir l’imaginaire, et disons-le de préserver la démocratie.
Qu’en est-il des conditions actuelles de création ?
D.B. : Si on ne se bat pas pour le plateau, si on n’essaye pas de trouver des solutions innovantes, alors la création va s’étioler. On sait qu’il y a trop de compagnies mais personne ne veut affronter le problème. Nous sommes en train de créer un prolétariat de la culture, au sein duquel le seul sujet de conversation c’est l’argent. Je déplore à cet égard une injustice territoriale, un déséquilibre entre Paris et le reste de la France. Au sein des Théâtres, nous avons mis en place une importante cellule de production et d’accompagnement, pour des grands noms ou des artistes en devenir – Joël Pommerat, Guillaume Vincent, Les Estivants, Redwane Rajel, Bert et Nasi… La programmation procède d’un désir, je suis guidé dans mes choix par mon amour pour les gens, les artistes, les publics, pour la création qui cultive une forme d’audace. Afin de consolider la relation à l’œuvre, je préfère diminuer le nombre de spectacles et allonger la durée des représentations, ce que développe aussi le dispositif public « Mieux Produire Mieux Diffuser ». Les difficultés existent, mais tant qu’on est porté par la joie on y arrive…
Propos recueillis par Agnès Santi
Les Théâtres. Théâtre du Gymnase, Théâtre des Bernardines à Marseille. Théâtre du Jeu de Paume, Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence.
Tél : 08 2013 2013.
Trois figures du Théâtre national de [...]
Deuxième édition du Marseille Stand-up [...]
Dernière création des turbulents Chiens de [...]