Le MegaOctet et la compagnie Lady Rocks, unis corps et âme pour Make ’Em Move

Cette année, vous menez une dense collaboration avec la chorégraphe Léa Cazauran… Comment avez-vous fonctionné pour monter cette création ?

Andy Emler : Je connais Léa depuis bien longtemps : son père Bernard Cazauran était contrebassiste, tout comme son grand-père. C’est donc naturellement que nous avons commencé cette collaboration, en nous réunissant avant l’écriture pour savoir nos envies réciproques. La confiance fut immédiate et Léa a finement compris le langage musical proposé par le MegaOctet pour sa chorégraphie. S’en est suivi le casting des neuf danseuses et danseurs, en fait une « troupe » de potes qui, comme le MegaOctet, est constituée de personnalités hors norme aux parcours faits de multiples influences. Elles viennent de la break dance, de la danse contemporaine ou du hip-hop et ses dérivés, qui sont des univers qui s’interpénètrent, tout comme les musiciens qui se nourrissent de différents courants, actuels ou passés.

La danse n’est pas chose nouvelle dans votre parcours, si l’on songe à vos collaborations avec José Montalvo ou Bernardo Montet notamment. Comment positionnez-vous la musique dans ce contexte ? 

A.E. : Cela fait très longtemps que j’avais envie de me lancer dans un projet musique-danse, ayant régulièrement suivi le travail de Pina Bausch, de Keersmaeker, Preljocaj, Montalvo et bien d’autres. Mais c’est le hip-hop, la street dance, break dance et autres dérivés qui attiraient mon attention. Très vite la question s’est posée : comment trouver un son qui plaise aux danseurs et aux musiciens du MegaOctet et sur lequel tous puissent s’exprimer ? Après un premier travail de composition, Léa et moi avons commencé à scénariser le spectacle et nous  en sommes aujourd’hui au 42359^ème scénario ! (rires)

« J’ai intrinsèquement besoin de cette pulsation intérieure pour me sentir vivant. »

En quoi le groove est-il un facteur essentiel de votre musique ?

A.E. : J’ai intrinsèquement besoin de cette pulsation intérieure pour me sentir « vivant ». Dans la compagnie Lady Rocks, tous ont une formidable conscience rythmique. Pas une seule fois, nous nous sommes cherchés pour être ensemble sur la même pulsation… À dix-huit, c’est aussi rare que génialissime !

Comment concilier la tête et les jambes dans l’improvisation ? Est-ce juste une histoire de rythmiques, ou plus une question d’arrangements ?

A.E. : Bien sûr la musique à neuf musiciens nécessite des arrangements afin de créer un son d’orchestre, qui doit être source d’inspiration pour Léa qui va ensuite écrire les mouvements et gestes qu’elle ressent sur cette musique. À partir de là, les break dancers sont eux aussi des improvisateurs, une notion incontournable dans l’enseignement de la musique comme de la danse. Et il y a des moments où il est presque impossible pour le public de discerner l’écrit de l’impro. Nous aimons ce mélange, ce savant dosage qui permet d’alterner entre liberté et contrainte. Un tutti se travaille en danse comme en musique. Un moment improvisé se travaille aussi mais davantage par la maturation de la complicité entre les individus. Et la connexion entre l’équipe des Lady Rocks et celle du MegaOctet est arrivée on ne peut plus naturellement.

Propos recueillis par Jacques Denis