Le Ballet de l’Opéra de Lyon sur William Forsythe et Fabrice Mazliah

Le Ballet de l’Opéra de Lyon réunit en une seule soirée deux chefs-d’œuvre de William Forsythe et une création de Fabrice Mazliah, Sheela Na Gig, longtemps interprète et collaborateur régulier de la Forsythe Company. Sheela Na Gig est avant tout une sculpture figurative féminine aux traits grotesques, que l’on trouve dans les îles Britanniques. Pour Fabrice Mazliah, cette figurine est l’occasion d’explorer les stéréotypes du féminin dont les chorégraphies ne sont pas exemptes, révélant le ressenti d’une interprète sur scène. Accompagné d’un travail sur la voix de la performeuse Dalila Khatir sur un corpus de chansons populaires liées à la condition féminine, soutenu par les compositions du collectif kling klang klong (Johannes Helberger & Maurice Mersinger), il crée une danse de partage et de solidarités.

Attention chefs-d’œuvre

Quintett, (1993) de William Forsythe est considéré comme l’une de ses pièces phares. Sur la complainte de Gavin Bryars Jesus’ Blood Never Failed Me Yet, elle a été créée comme une lettre d’amour écrite au moment de la mort de son épouse. Sur scène une trappe d’où s’échappent successivement deux danseuses, avant d’y retomber à nouveau. Leurs sorties ne leur permettent que d’être saisies un instant par trois hommes, qui sans cesse les laissent échapper à leurs bras… Un hymne à la vie puissant où les corps sont empêchés, fatigués, relâchés, entraînant maladresses, chutes, torsions, enveloppés, pour s’étreindre quand même. Enfin, One Flat Thing, reproduced, est une œuvre monumentale, qui aligne vingt tables, organisation géométrique parfaite, laissant à peine la place aux danseurs de s’y faufiler. Elles deviennent la surface et l’horizon de toute l’action. Quatorze corps électriques traversent ensuite cet espace sous tension, dans une attitude à la fois retenue et explosive… La vitesse, comme toujours fulgurante chez Forsythe, ajoute le risque à ces écarts, ces plongées, ces jambes qui soudain surgissent tandis que d’autres danseurs glissent littéralement sur les surfaces plates des tables, devenues plaques dangereuses. Les corps jaillissent avant de se dissoudre dans ces alignements rigoureux. Du grand art.

Agnès Izrine