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Focus -258-Les Gémeaux, Scène Nationale.
Simon McBurney adapte La Pitié dangereuse, unique roman achevé de Stefan Zweig, écrit en exil à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Une œuvre poignante et captivante, interprétée par la troupe de la Schaubühne.
En quoi ce roman de Stefan Zweig vous motive-t-il dans votre démarche de metteur en scène ?
Simon Mc Burney : C’est un roman extraordinaire, qui semble avoir été écrit en un seul geste. L’histoire nous entraîne dans une situation inextricable, celle d’Hofmiller, un jeune officier juste avant la Première Guerre mondiale qui a l’intention de faire le bien mais échoue. Invité dans le château de Kekesfalva, l’homme le plus riche de la contrée, il commet un impair en invitant sa fille Edith, qui est paralysée, à danser. Submergé par la honte, il s’enfuit, revient, et s’enferre dans un piège terrible que lui-même fabrique. Grâce au talent de conteur de Stefan Zweig, cette chute nous saisit quasi physiquement. Plonger dans l’histoire, dans la psychologie des personnages, c’est aussi plonger en nous-mêmes, et explorer les enjeux de la responsabilité et du libre arbitre.
Comment résonne le contexte historique dans le roman ?
S. M. : Stefan Zweig évoque la situation de l’Empire austro-hongrois qui s’écroule, et l’Autriche qu’il a dû quitter. L’œuvre explore en profondeur le rapport entre soi et sa culture. Le roman est une métaphore et un commentaire sur la fragilité des cadres rationnels. Stefan Zweig analyse la pitié à travers deux attitudes possibles. La pitié « molle et sentimentale», et une autre pitié qui est la seule qui compte, qui pousse à se mettre à la place de l’autre. L’action contre le sentiment. C’est une question qui peut être posée à chaque époque et que nous pouvons nous poser face aux malheurs du monde aujourd’hui.
« A travers ces voix diverses se déploie une fouille archéologique dans l’âme de l’Autriche. »
Comment travaillez-vous avec la troupe de la Schaubühne ?
S. M. : C’est un plaisir extraordinaire de travailler avec de tels acteurs ! Nous nous employons à reproduire la sensualité et l’intimité du texte. La fiction est ici un acte de mémoire, où Hofmiller raconte, où ses actions et ses pensées se confrontent. A la manière d’un emboîtement, on plonge aussi dans les histoires d’autres personnages. A travers ces voix diverses se déploie une fouille archéologique dans l’âme de l’Autriche. Une sorte de processus stratigraphique découvre et imbrique les niveaux psychologiques, sociologiques, culturels… et nous invite à creuser et réfléchir aux multiples strates qui définissent nos comportements.
Propos recueillis par Agnès Santi
Dans le cadre du Festival d’Automne et de la programmation hors les murs du Théâtre de la Ville. Spectacle en allemand surtitré.
Tél : 01 46 61 36 67.
Site : www.lesgemeaux.com
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