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Focus -308-La grande pianiste Delphine Bardin en concert à la Salle Cortot

La pianiste Delphine Bardin révèle les émotions intérieures de la musique

La pianiste Delphine Bardin révèle les émotions intérieures de la musique - Critique sortie  Paris Salle Cortot
La pianiste Delphine Bardin. © Jenny Faugerat

Ravel, Séverac et Chabrier
ENTRETIEN

Publié le 14 février 2023 - N° 308

La pianiste, lauréate du Concours d’Orléans en 1996 et Prix Clara Haskil en 1997, signe le troisième volume d’une collection, « Présences lointaines » (label FY-Solstice), double hommage au philosophe Vladimir Jankélévitch et à la musique française pour piano qu’il a tant célébrée. Cet enregistrement, à l’initiative du Fonds de dotation Galaxie-Y, lancé par la pianiste Françoise Thinat, invite à redécouvrir, au côté de la Sonatine de Ravel, deux cycles magnifiques d’Emmanuel Chabrier et Déodat de Séverac, à retrouver également en concert le 3 avril à la Salle Cortot.

Ce répertoire vous habite-t-il depuis longtemps ?

Delphine Bardin : Cette période, la musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, m’a toujours intéressée, en particulier Fauré, Debussy et Ravel. Quand Françoise Thinat m’a proposé de jouer la suite En Languedoc de Séverac, j’étais plongée dans les Études de Debussy, le genre même de pièces dont il est difficile de sortir. J’étais donc en quête d’un autre cycle dans lequel je puisse m’absorber. Séverac est exactement ce qu’il me fallait : une musique d’une grande profondeur sous une simplicité apparente, une œuvre très personnelle, toute traversée d’un souffle. Il n’y a là absolument rien de décoratif. Le paysagisme chez lui, comme dans les Pièces pittoresques de Chabrier, est avant tout une démarche intime : le compositeur a comme intériorisé le paysage.

La difficulté pour l’interprète ne tiendrait-elle pas justement à cette apparente simplicité ?

D.B. : Sans aucun doute. Les thèmes chez Chabrier coulent de source, l’écriture est limpide, et pourtant c’est très complexe à faire sonner comme on l’espère. Il y a quelque chose de mozartien chez lui – et chez Séverac également –, comme une certaine pudeur ; c’est une musique qui demande du temps pour se livrer complètement. Pour Poulenc, les Pièces pittoresques sont aussi importantes dans l’histoire de la musique française que les Préludes de Debussy, qui était lui-même un grand admirateur de l’œuvre. Poulenc parlait d’un « baiser d’amour musical ».

Avez-vous été inspirée par les textes de Vladimir Jankélévitch, où apparaît l’idée de « présence lointaine » à propos ces compositeurs ?

D.B. : Oui. Lire des textes inspirants est toujours une grande aide. J’avais déjà eu l’occasion de lire Jankélévitch, qui parle de musique de façon extraordinaire, dans une langue elle-même très musicale. Quand il parle des plans sonores chez Séverac, on voit presque se dérouler la partition. D’ailleurs, chez Séverac comme chez Chabrier, le titre des pièces est déjà en soi une bonne entrée dans la musique en nous préparant aux évocations qu’elle porte. Une autre inspiration vient de l’écoute d’autres œuvres : en travaillant les Pièces pittoresques, j’ai beaucoup pensé aux mélodies de Chabrier, qui sont pour moi indissociables de la voix de Camille Maurane.

« En studio, on est un peu comme dans un atelier »

Vous enseignez désormais à la Schola Cantorum, où fut créé En Languedoc. L’âme d’un lieu joue-t-elle un rôle dans l’interprétation d’une œuvre ?

D.B. : Il y a là, bien sûr, quelque chose d’émouvant. C’est particulièrement vrai pour la Schola Cantorum dont le site n’a pas beaucoup changé : on se retrouve propulsé plus d’un siècle en arrière. Forcément, ce sont des choses qui vous nourrissent. J’avais déjà ressenti cette émotion lorsque j’ai commencé mes études au Conservatoire, alors encore rue de Madrid ; je me disais : « Fauré est venu là ». Cela aide à s’inscrire dans une histoire. C’est complètement en lien avec l’ambition du Fonds Galaxie-Y, pour lequel Françoise Thinat, qui a elle-même travaillé avec Yvonne Lefébure et Marguerite Long, a réuni un collectif de pianistes autour du répertoire français.

Vous allez enregistrer sous l’égide de Galaxie-Y le programme du récital. L’approche est-elle différente sur scène et en studio ?

D.B. : La réflexion sur les œuvres n’est pas différente. En revanche, c’est vrai, l’enregistrement agit comme une loupe, un miroir grossissant : on entend tout, y compris ce que l’on aimerait faire autrement. En studio, on est un peu comme dans un atelier : on cherche, on peut encore changer des choses, recommencer.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement

La pianiste Delphine Bardin
du lundi 3 avril 2023 au lundi 3 avril 2023
Salle Cortot
78 rue Cardinet, 75017 Paris ( CD )

à 20h30.

Réservation: https://www.billetweb.fr/recital-de-delphine-bardin1

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