La mise en scène de Richard III (2015), signée par Thomas Ostermeier

Thomas Ostermeier mène cette tragédie du pouvoir et du désir vers des sommets de force organique et de vérité théâtrale. Tout commence par les mouvements d’une fin de fête. Femmes et hommes en habits de soirée, coupe de champagne à la main. La cour d’Edouard IV se trouve projetée dans le bain contemporain. Seule ombre au tableau élégant de cette société aristocratique, un être trouble, énigmatique, marginal, fait son entrée : le frère du roi, le duc de Gloucester. Bien des intrigues et des assassinats plus tard, il accédera au trône d’Angleterre sous le nom de Richard III.

Du bouffon séducteur au pantin désarticulé

L’Histoire a retenu du dernier souverain de la maison d’York sa présence difforme de tyran bossu et boiteux. C’est sous cette allure disgracieuse que se manifeste tout d’abord le Richard III de Thomas Ostermeier. Mais, prenant des distances avec les stéréotypes de la monstruosité, le metteur en scène oriente rapidement le personnage vers davantage de complexité. Plutôt que de le renvoyer à une simple folie sanguinaire, le comédien Lars Eidinger interroge sa personnalité, son identité intime, les paradoxes et les ambiguïtés de son humanité. Équilibré et inspiré, centré sur la puissance vivante de comédiens circulant entre le plateau et la salle, ce Richard III à la théâtralité foisonnante ouvre toutes les possibilités de sens de la pièce de Shakespeare.

Manuel Piolat Soleymat