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Focus -326-Le Concert de la Loge : dix ans d’énergie et de curiosité

Julien Chauvin change les codes de la diffusion musicale pour élargir les horizons

Julien Chauvin change les codes de la diffusion musicale pour élargir les horizons - Critique sortie
Julien Chauvin © Marco Borggreve

Entretien

Publié le 25 octobre 2024 - N° 326

Le violoniste, fondateur et directeur artistique du Concert de la Loge Julien Chauvin revendique de changer les codes de la diffusion musicale pour décloisonner, en s’inspirant des exemples du passé comme des arts d’aujourd’hui.

Au début du parcours du Concert de la Loge, en 2015, vous avez mis l’accent sur la musique de Haydn, en jouant et enregistrant l’ensemble de ses symphonies « parisiennes ». Comment votre répertoire a-t-il évolué ?

Julien Chauvin : Haydn est une figure historiquement centrale mais un peu boudée dans la programmation musicale. Nous avions le désir de le replacer au cœur de notre répertoire, comme il l’était dans celui de notre modèle, le Concert de la Loge Olympique à la fin du xviiie siècle. La musique de Haydn, c’est une véritable école d’apprentissage du style classique, de par son sens de la construction, son instrumentation originale qui donne de l’importance à tous les pupitres. Dès le début, nous avons exploré le répertoire de cette époque, notamment la musique française des années 1770 à 1800, et la voie vers Mozart, Gluck et Beethoven était ainsi tracée. Le chemin vers Vivaldi s’est fait parallèlement. C’est une musique qui paraît simple – mais qui ne l’est vraiment pas –, et qui permet, elle aussi, de se forger un son.

Vous reprenez le répertoire du Concert de la Loge Olympique mais également son esprit avec d’autres façons de présenter la musique…

J.C. : Entre hier et aujourd’hui, il y a autant de différences que de similitudes. Il y avait déjà, par exemple, un certain « jeunisme », une prime à qui invitera les plus jeunes solistes au côté de « super stars » comme la Saint-Huberty, qui pourraient être aujourd’hui Sandrine Piau ou Véronique Gens. À l’inverse, la forme du concert a bien changé : il n’était pas rare d’enchaîner un Stabat Mater italien, une symphonie de Haydn et un concerto pour clarinette d’un compositeur français. J’aime retrouver cette atmosphère en faisant découvrir au public autre chose que ce pour quoi il est venu et raviver chez l’auditeur une écoute active et spontanée que l’on a perdue depuis deux siècles. Cela passe par des moments d’échanges en présentant les œuvres, en croisant les univers, les genres, en s’éloignant aussi des codes habituels du concert pour renouer avec le plaisir de l’écoute et du spectacle.

« J’aime raviver chez l’auditeur une écoute active et spontanée. »

Le travail à l’opéra est-il important pour l’orchestre ?

J.C. : Nous allons vers la découverte. Nous venons d’enregistrer chez Alpha l’Iphigénie en Aulide de Gluck, moins souvent défendue que son Iphigénie en Tauride ; l’écriture est moins évidente, mais elle ménage un vrai crescendo dramatique. Mon approche de la musique instrumentale est toujours guidée par la recherche de sa dimension théâtrale, de son caractère dramatique. Aborder l’opéra est indispensable pour alimenter cette démarche, d’autant que l’on apprend beaucoup à côtoyer les chanteurs, en particulier pour la construction du discours, du phrasé. Cela enrichit aussi l’écoute et la cohésion entre les musiciens. L’opéra offre un répertoire d’une richesse infinie et la confrontation avec les exigences d’un metteur en scène est également passionnante.

Pourquoi présentez-vous les Quatre saisons de Vivaldi dans un concert chorégraphié par Mourad Merzouki ?

J.C. : Il faut se souvenir que la musique baroque est à 80 % une musique dansée. Nous n’avions pas envie de « rabâcher » cette musique en concert, plutôt de l’aborder différemment, par un concert augmenté qui puisse décloisonner les publics. C’est plutôt une bonne chose si les gens ne viennent pas pour nous, mais qu’ils se laissent ensuite accrocher par la musique. La danse, et particulièrement le hip-hop, a ce pouvoir de faire résonner la musique autrement. Nous le voyons très clairement avec notre projet pédagogique « Hip baroque choc » par lequel, depuis 2016, des élèves de lycée professionnel s’approprient le répertoire baroque, par la pratique du chant, de la scène, de la danse.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement



www.concertdelaloge.com

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