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Hugo Lippi : voyages introspectifs et goût du partage

Hugo Lippi : voyages introspectifs et goût du partage - Critique sortie  Paris Studio de l’Ermitage
Hugo Lippi, un musicien dans les cordes subtiles… © Laurent Askienazy

Entretien / Hugo Lippi

Publié le 23 septembre 2023 - N° 314

Professionnel à 17 ans, installé à Paris depuis un quart de siècle, le natif de Portsmouth en 1977 a patiemment construit une carrière, auprès des autres comme sous son nom, fort d’une virtuosité teintée d’un réel sens du lyrisme. Ce sont ces qualités qu’il entend déployer dans Comfort Zone, son dernier album en solo.  

Votre dernier album s’intitule Comfort Zone… Pourquoi ce choix, alors que le jazz a plutôt pour qualité de faire sortir les musiciens de leur zone de confort ?

Hugo Lippi : J’ai justement voulu un titre assez ambigu pour qu’il puisse se comprendre dans les deux sens. L’idée m’est venue à New York lorsque je partais enregistrer ce disque dans le Queens : dans le taxi, une émission de radio insistait sur le fait de sortir de sa « comfort zone ». Il y avait tellement d’inconnues avant de me lancer dans cet enregistrement que je me suis dit que quelle que soit la musique qui en découlerait, j’avais déjà trouvé le titre !

Dans ce disque, vous ouvrez quelques pistes en solo, qui préfigure Reflections in B que vous publierez en novembre chez For Musician Only…

H.L. : J’ai adoré cette expérience car, en tant que guitariste, nous passons le plus clair de notre vie seul avec notre instrument. Il faut réussir à retrouver cette osmose en studio. Et c’est vrai qu’après notre isolement contraint suite au Covid, j’ai retrouvé ces sensations d’introspection que j’avais connues lors de mes premières années passées dans ma chambre, sans être pris par le tourbillon des tournées. C’est dans cet état d’esprit que j’ai abordé le répertoire, tout en m’accordant le maximum de liberté, et en gardant une grande spontanéité qui est, je pense, une de mes caractéristiques.

« Désormais, je m’interdis beaucoup moins de choses. »

Comfort Zone était paru chez Gaya Music, piloté par Sammy Thiébaut avec qui vous avez joué. En quoi l’esprit de famille est-il important dans cette musique ?  

H.L. : Samy m’a effectivement donné son feu vert dès la première écoute. Tout s’est enchaîné rapidement. Nous étions en contact très fréquemment car nous venions de terminer le premier volume de son projet Caribbean Stories. L’époque à laquelle nous sommes confrontés en tant que musicien nous impose une grande solidarité et un engagement commun.

C’est le cas de Pierre Christophe avec qui vous jouez en duo…

H.L. : Pierre est un des premiers musiciens avec lesquels j’ai joué à mon arrivée sur Paris en 2000, notamment un certain 11 septembre 2001 au Petit Opportun. L’idée d’un duo autour de ses compositions s’est donc imposée assez naturellement et un volume deux est en préparation pour l’automne.

En quoi votre style, ancré dans une longue tradition, a -t-il évolué au fil des années ?

H.L. : À l’instar de beaucoup de musiciens de ma génération, j’ai été influencé par beaucoup de guitaristes de différentes époques. J’aime toujours remonter à la source et la découverte il y a longtemps de guitaristes comme Charlie Christian, Django Reinhardt, Eddie Lang ou encore George Van Eps m’ont donné davantage de clés pour saisir l’immensité des guitaristes plus « contemporains ». Mais j’aime aller chez des musiciens d’un autre univers, et ce sont tous ces éléments que j’essaie d’incorporer dans mon jeu. L’accompagnement des chanteuses constitue par exemple une part importante de mon parcours, comme celui de nombreux guitaristes. J’ai eu la chance d’en accompagner de très grandes et d’en tirer beaucoup d’enseignement, comme la capacité à s’adapter à chaque personnalité. Désormais, je m’interdis beaucoup moins de choses.

Pour avoir une carrière en leader, saluée d’un prix Django-Reinhardt en 2019, vous n’en n’êtes pas moins un sideman recherché. En quoi ces deux « positions » face à la musique sont-elles différentes, ou complémentaires ?

H.L. : Toutes mes idoles ont toujours combiné les deux avec merveille : Django, Jim Hall, Oscar Peterson, Wes Montgomery, Bill Evans pour n’en citer que quelques-uns…Tous d’immenses accompagnateurs et de brillants leaders. Musicalement je pense que ce sont deux voix complémentaires et même indissociables. Aujourd’hui être leader demande également beaucoup de qualités concernant les à-côtés de la musique. Cela requiert une organisation, une discipline, car l’on se doit d’être présent sur beaucoup de fronts. Sur le plan musical, j’ai du mal à me dire que de grands pianistes solistes, y compris dans la musique classique, n’ont pas la capacité à se mettre en retrait pour soutenir le discours d’un autre. Il s’agit sans doute d’une question d’envie. Pour ma part je me sens à l’aise dans les deux, et le prix Django Reinhardt m’a sans doute été attribué pour ces deux qualités.

 

Propos recueillis par Jacques Denis

A propos de l'événement

Hugo Lippi
du jeudi 30 novembre 2023 au jeudi 30 novembre 2023
Studio de l’Ermitage
8 rue de l’ermitage, 75020 Paris

à 21h.

Tel. : 01 44 62 02 86.

Reflection in B à paraître le 17 novembre chez Label For Musician Only

 

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