FRANÇOIS CHATTOT
L’ACTEUR ET LA REPUBLIQUE
«J’ai fait placarder à l’entrée de tous les lieux du festival un texte de Strehler qui explique la nécessité impérieuse de raconter qui est celle de l’acteur. Tout le festival est sous cette bannière. Et puis, il y a cet autre texte de Vitez, dans lequel il dit qu’un grand théâtre national doit être considéré comme une université pratique de la nation, une académie libertaire, un lieu d’expérimentation perpétuelle, un lieu de désobéissance. Il y a donc un axe double et le même enjeu humain : d’un côté l’acteur, de l’autre la république. L’acteur dans tous ses états, seul ou à plusieurs, avec ou sans metteur en scène, avec toute sa palette, en funambule, en homme-orchestre, en homme-sandwich, en hurleur de carrefour, en bonimenteur (ce que Dario Fo appelle le gai savoir de l’acteur) ; et la république, la fonction nationale du théâtre, un peu comme l’école de Ferry, sa grande fonction sociale, le lieu de l’agora grecque. Le théâtre n’est pas seulement une satisfaction privée. Il est plutôt comme la fête où on plante l’arbre de la liberté, l’arbre de la république, l’arbre à palabres. Et pour qu’arbre il y ait, il faut à la fois des racines et des jeunes pousses. Le but est de faire dialoguer les vivants et les morts, l’acteur et la cité. Plus on avance de festival en festival, plus on creuse le sillon de ce débat infini. Pour rouvrir et toujours remontrer la plaie, le champ opératoire, la blessure du monde.»
Propos recueillis par Catherine Robert