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Etienne Manchon, pianiste et compositeur aventureux

Etienne Manchon, pianiste et compositeur aventureux - Critique sortie
© Charles Schneider Etienne Manchon,

Publié le 27 mars 2024 - N° 320

Adepte de l’acoustique comme de l’électrique, ce pianiste compositeur est un jeune homme bourré de projets, dynamique et entreprenant, qui ose les expériences musicales éclectiques.

Etienne Manchon, 29 ans cette année, ne cache pas sa joie d’avoir publié le premier album de sa nouvelle formation, au nom des plus improbables : la Pieuvre irréfutable. Derrière ce nom tentaculaire se cache sa première grande formation, un octet, par moments augmenté de cordes, dont l’album porte un titre pas moins délirant (et marin lui aussi) : Huître en peluche. Derrière l’humour, une écriture ludique, vive et groovy, que l’intéressé décrit ainsi : « tiraillée entre le space-rock de Frank Zappa, les envolées impressionnistes d’un Debussy, la section cuivres de James Brown ou le groove implacable des Headhunters ». Constitué avec des musiciens de la scène toulousaine, dont l’altiste Ferdinand Doumerc (Pulcinella), ce groupe pourrait, à certains égards, être perçu comme un rejeton d’Initiative H, le big band atomique de David Haudrechy, auprès de qui Etienne Manchon a étudié le jazz au conservatoire de Montauban, après plusieurs années au conservatoire de Clermont-Ferrand pendant lesquelles il a forgé sa technique au répertoire classique.

Fou de claviers

Entre les deux, un choc : la découverte de Pink Floyd, une « grosse claque musicale » (dixit), lui a ouvert les horizons du rock et, surtout, instillé la curiosité pour les claviers vintage. Depuis, si Manchon a souvent les mains sur un piano, il les a tout aussi souvent sur un Rhodes ou un Moog (les curieux trouveront la liste complète des claviers qu’il affectionne dans « Le Coin du geek » de son site internet). Son passage par le département jazz du Conservatoire National Supérieur de Paris a tourné court avant le terme : le jeune homme était déjà trop actif comme musicien pour pouvoir suivre le cursus complet.  Son attrait rétro-futuriste pour les claviers seventies s’épanouit particulièrement dans Congé spatial, duo qu’il forme avec le saxophoniste Pierre Lapprand (du groupe Chrone). Tous deux branchés sur effets, pédales et séquenceurs, ils transmutent leur jazz, naviguant entre lyrisme acoustique et trips électroniques en temps réel. On ne s’étonne pas de trouver Jozef Dumoulin, grand sculpteur du Fender Rhodes, parmi ses sources d’inspiration. Côté piano, Manchon cite Bill Evans, Brad Mehldau et Aaron Parks comme des références majeures. Elles ressortent en particulier dans le trio qu’il forme avec le contrebassiste Clément Daldosso et le batteur Théo Moutou. Après un premier opus, Elastic Borders, paru en 2017, est sorti Streets, en 2022 ; ce trio est aux yeux d’Etienne Manchon une « formation solide et un fil conducteur » dans lequel s’épanouit son sens du rythme, jusqu’à l’obsession — l’ombre d’Avishai Cohen plane parfois sur ses compositions. Là encore, il alterne le son du piano et les saturations du Fender Rhodes.

Se surprendre soi-même

Son sens de l’improvisation ne va pas sans un sentiment de mise en danger : « J’aime bien cet état où je me surprends moi-même, je ne sais pas où je vais, mais j’y vais. J’essaye constamment d’équilibrer entre la prise de risque et une interprétation plus « tranquille », être au bord de la falaise sans tomber », expliquait-il à la Gazette Bleue. S’il ne renie pas les standards, dont il délivre parfois des versions solo en vidéo, il privilégie un répertoire de sa main, doutant d’avoir autant de choses à raconter sur ces morceaux que ses idoles mais, surtout, préférant investir et assumer son originalité dans ses propres compositions. Bien ancré dans la scène toulousaine (son dernier disque est sorti sur le label local Fluffy Fox) qui nous a déjà donné des pianistes doués comme Rémi Panossian ou Amaury Faye, habitué du club Le Taquin qui lui sert de laboratoire, il n’en est pas moins devenu actif auprès de musiciens d’un rayonnement plus national — des aînés comme le contrebassiste Yves Rousseau, qui l’a recruté pour son septet, la saxophoniste Géraldine Laurent, ou encore le compositeur et saxophoniste Alban Darche, qui lui a confié le clavier de son Gros Cube. On le retrouve aussi très impliqué au côté du trompettiste Daoud et sur l’album Good Boy que ce dernier sort ce mois-ci, gravitant dans des sphères balisées par Roy Hargrove ou Theo Crocker, entre autres. Après les festivals du Sud-Ouest, notre pianiste commence depuis quelque temps à se produire un peu partout en France. Etienne Manchon a tout du musicien qui monte.

Vincent Bessières

A propos de l'événement

Etienne Manchon


3/04 : Daoud & Etienne Manchon duo, Le Taquin, Toulouse (31)

4/04 : Daoud & Etienne Manchon duo, Le Violon Dingue, Montauban (82)

11/04 : Etienne Manchon Solo, Le Palais, Lourdes (65)

12/04 : Daoud - Jazzahead, Bremen (DE)

26/04 : Congé Spatial, Bibliothèque du Périgord, Toulouse (31)

1/05 : Daoud, New Morning, Paris

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