Entretien Guy Pierre Couleau
Alarme dans la joie Le directeur de la [...]
Pièces d’orfèvrerie racinienne, Britannicus et Bérénice confrontent raison d’Etat et lois du cœur dans la Rome impériale. Xavier Marchand les met en scène en diptyque.
Comment ces deux tragédies résonnent-elles en diptyque ?
Xavier Marchand : Toutes deux saisissent l’être dans l’incertitude d’un moment décisif de bascule. Britannicus montre la métamorphose d’un adolescent en ce tyran fou et sanguinaire que devient Néron, tandis que Bérénice suit l’évolution intérieure d’un homme, Titus, qui hésite entre l’amour et la raison d’Etat. Or, souvent les choix, même les plus cruciaux, résultent d’un concours de circonstances, plus ou moins hasardeux. Ces deux personnages révèlent aussi la transformation sensible des gens qui accèdent au pouvoir.
Est-ce la naissance du monstre que vous observez ?
X. M. : Dans Britannicus, le jeune Néron se trouve balloté entre les influences contradictoires de sa mère, soucieuse de préserver son emprise, de son conseiller Narcisse, mauvais génie, et de son précepteur, Burrhus, qui défend l’enseignement de Sénèque. Il cherche à s’émanciper de ces tutelles, à s’affirmer. Il se confronte à la question de son devenir et forge sa personnalité. Je vois dans ces questionnements et ces élans de passions bien des échos aux doutes, aux désirs, aux états, souvent violents, que traversent les adolescents aujourd’hui.
Comment abordez-vous la langue de Racine ?
X. M. : Nous essayons d’allier le respect de la diction classique et l’émotion puissante du texte. Selon Barthes, la tragédie racinienne ne peut se réduire à un commentaire de l’actualité. Il ne faut pas chercher à la rendre contemporaine, mais laisser agir la distance avec notre époque pour en permettre une lecture active. L’alexandrin introduit justement une distance avec notre parler actuel. Les rôles sont portés par des comédiens qui ont l’âge des personnages, ce qui me semble essentiel pour restituer les enjeux dramatiques, existentiels, de ces deux pièces majeures.
Propos recueillis par Gwénola David
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