L’Ecole des femmes
Jean Liermier met en scène les affres du [...]
Focus -208-Théâtre National de Toulouse
Yann Colette dans le rôle de Winnie, Natalie Royer dans celui de son époux Willie : Blandine Savetier joue du travestissement pour servir l’une des pièces emblématiques de Samuel Beckett.
Pour quelle raison avez-vous choisi un homme pour interpréter le rôle de Winnie ?
Blandine Savetier : C’est une manière de prêter attention à la figure idéale de l’icône que représente ce personnage. Lorsque l’on travaille sur le travestissement, on échappe immédiatement au réalisme. Je crois que j’avais besoin, à travers ma mise en scène, de créer un écart troublant afin de faire réentendre Oh les beaux jours d’une façon nouvelle et, ainsi, de prendre des distances avec l’empreinte laissée par Madeleine Renaud sur le rôle de Winnie.
Comment avez-vous travaillé avec Yann Colette ?
B. S. : Nous avons cherché à faire surgir du trouble en nous accaparant cette figure féminine de l’intérieur, à travers ses paysages intimes. Pour moi, le travestissement est une manière de se réapproprier le théâtre par la métaphore. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que Oh les beaux jours propose, à bien des égards, une mise en abyme de la représentation théâtrale. Yann Colette est un comédien sans âge, qui dégage quelque chose de très particulier. Il est capable de porter la légèreté et la puissance de la langue de Beckett. Pour interpréter Winnie, je crois qu’il faut, comme lui, pouvoir faire naître une forme de comique mélancolique touchant aux zones de la vie et de la mort.
Qu’est-ce qui vous lie à ce texte ?
B. S. : J’ai été, très tôt, confrontée à la mort. Je crois que la force vitale de cette pièce, le regard lumineux qu’elle porte sur l’existence, me parlent en profondeur. Car Winnie fait preuve d’une grande élégance face à la déchéance. Elle se tient droite jusqu’au bout. Oh les beaux jours est une véritable ode à la vie. Bien que Winnie reste toujours très lucide sur le fait qu’elle se dirige vers la mort, elle ne sombre jamais totalement dans le désespoir. Elle est traversée par de la tristesse, bien sûr, mais elle s’attache à habiller cette tristesse afin qu’elle ne soit jamais pesante. Elle est rongée par une inquiétude profonde, mais elle ne tombe jamais dans une noirceur absolue. Parfois le doute et les souvenirs étranglent la parole. Et puis, subitement, la pulsion de vie ressurgit et, avec elle, les mots de l’émerveillement. Il y a beaucoup de grâce dans cette façon de faire face au vide avec combativité, avec dignité. J’espère que je pourrai aborder ma propre mort avec une telle grâce !
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
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