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Emilie Moutet, voix de l’intime

Emilie Moutet, voix de l’intime - Critique sortie
Légende photo : Emilie Moutet, une autre voix à suivre. © Paul Magne

entretien

Publié le 17 décembre 2022 - N° 306

Influencée très tôt autant par Tori Amos qu’Alanis Morissette, Joan Baez, Joni Mitchell, Ane Brun ou Emilíana Torrini, Emilie Moutet a su trouver sa voix en se donnant le temps. Après un EP et différentes collaborations avec des groupes, dont Saravah où elle tenait le rôle d’instrumentiste, elle s’apprête à publier son premier recueil. Présentations. 

Vous avez été remarquée sous le nom de scène de Willows. Pourquoi avoir décidé d’apparaître sous votre nom ?

Emilie Moutet : Quand j’ai choisi ce nom il n’y avait pas d’autre groupe qui le portait, mais depuis plusieurs se sont développés sous ce nom, dont un projet canadien avec une chanteuse qui me ressemble, ce qui était source de confusion sur YouTube notamment. Quand j’ai vu que son compte Spotify avait obtenu le statut vérifié, ce qui allait compliquer le travail pour la sortie du prochain album, je suis passée à l’action. C’est aussi une question de pouvoir en lien avec le sexisme dans le milieu musical : c’est mon projet, je compose et j’écris tout depuis toujours, ce n’est pas un groupe. Il était important de l’affirmer, même si j’avoue avoir rechigné à le faire, de crainte qu’il n’évoque la chanson française et ne facilite pas forcément la clarté du propos, mais en toute honnêteté, je suis un peu lasse de cette époque où tant de projets s’appellent « Pingouin tropical » ou « Banane kitsch ». Je défends une authenticité profonde, c’était donc une évidence d’assumer ma voix et de ne pas me cacher derrière un pseudo.

« J’aime parler des émotions profondes, des moments de rupture, de ces choses qui nécessitent qu’une chanson soit là pour poser des mots dessus. »

Est-ce que cela correspond à un changement d’orientations esthétiques ?

E.M. : Il y a en effet une évolution sur le prochain album, mais pas en lien avec ce changement de nom. Cela vient juste du fait que nous avons pris le temps de faire sonner les choses comme j’avais envie, et qu’en quatre ans depuis la sortie de l’EP j’ai cheminé musicalement.

Quelles sont les thématiques dont traitent vos textes ?

E.M. : Beaucoup parlent de mon histoire, tout autant de celles des autres. Dernièrement la fiction m’attire plus, il y a parfois beaucoup de soi dans la fiction, de la même façon qu’on n’est pas automatiquement honnête juste parce qu’on parle de soi. J’aime parler des émotions profondes, des moments de rupture, de ces choses qui nécessitent qu’une chanson soit là pour poser des mots dessus parce que les conversations habituelles les évitent. Ce sont des chansons de l’intime, j’essaie de parler à une personne, d’être humain à être humain.

Pourquoi chanter en anglais ?

E.M. : Il s’agit clairement d’une conséquence de mes influences musicales. Je ne sais pas encore faire sonner le français comme l’anglais, mais peut-être un jour !

Comment fonctionnez-vous pour l’écriture des paroles et musiques ?

E.M. : En général j’ai un instrument entre les mains, piano ou guitare, je trouve quelques accords ou une mélodie de voix et les deux grandissent ensemble. Il y a quelque chose d’un état de flow, d’une écriture automatique, parfois je ne comprends réellement ce qui s’est dit que quand le processus de création est terminé. Mais j’aime à questionner ce procédé, comme je l’ai fait cette année en participant au Prix Andrée Chédid dans le cadre du Printemps des Poètes : il s’agissait de mettre en musique un poème, en français donc. C’est toujours enrichissant d’explorer d’autres façons de faire.

Après avoir été lauréate du tremplin RIFFX FIP TOUR, à l’occasion des 50 ans de la radio FIP, vous êtes soutenue par la Spedidam… Qu’attendez-vous de tels parrainages ? 

E.M. : Ça m’a permis d’avancer avec une confiance renouvelée, en sachant que le travail ingrat d’envois de mails apportera sans nul doute des fruits au moment où je m’y attendrai le moins. Cela ne cesse de se confirmer depuis. J’espérais que cette mise en lumière m’aiderait à trouver des partenaires pour porter la production de mon album, c’est déjà en partie le cas mais j’en cherche encore pour un contrat de licence ou d’éditions.

Justement, à quoi peut-on s’attendre pour ce disque ?

E.M. : Je peux dire qu’il a un côté pop plus assumé. J’ai fait cet album en ne cherchant à plaire à personne, mais en pensant à tout le monde : il y aura plusieurs entrées, un côté plus léger, un autre plus mélancolique et sombre. J’ai voulu qu’il puisse être un doudou pour beaucoup de monde, quelle que soit la phase de vie qu’il ou elle est en train de traverser. Nous avons tout enregistré et produit à deux, Paul Magne et moi, ce qui représente un travail colossal au vu de la réalisation et de nos arrangements en « commun ». Cet album est tout autant le sien que le mien : nous n’avons fait aucun compromis sur nos envies créatives, c’est ce qu’offrent la liberté de l’indépendance et le choix de faire un premier album à 36 ans.

 

Propos recueillis par Jacques Denis

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Emilie Moutet

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