Hommage à Frantz Fanon
Héritier du diwân de Biskra et fin [...]
Focus -202-Maison de la Musique de Nanterre
Alors qu’il vient de terminer un album (à paraître en janvier 2013 chez Naïve) avec Brian Eno, Mick Jones et Rodolphe Burger, et vient de signer plusieurs bandes originales pour le cinéma, Rachid Taha se produit à Nanterre lors d’une soirée dédiée à la mémoire algérienne des années 60.
Que représente Nanterre dans votre imaginaire ?
Rachid Taha : Beaucoup de choses dans l’histoire de l’immigration en France : les bidonvilles, les combats des sans-papiers, mes amis qui ont fait du théâtre, dont cette pièce intitulée Vol au-dessus d’un nid de couscous, la souffrance de notre génération, les contrôles d’identité, les queues pour obtenir sa carte de séjour…
Tout ça a-t-il évolué aujourd’hui ?
R. T. : Bien au contraire, tout reste à faire. Ça a empiré, car le repli communautaire n’existait pas voici vingt-cinq ans. On y croyait encore. La République n’a pas fait son travail pour les petits frères, cette génération qui se sent exclue, hors-jeu. Il en va des questions de boulot comme de logement. Je viens de lire un rapport d’Amnesty International qui pointe Paris comme l’une des cinq villes les plus stigmatisantes pour ce qui est de l’accès aux boîtes de nuit pour les jeunes originaires du Maghreb et d’Afrique. À notre époque, on n’espérait pas grand-chose, mais aujourd’hui ils sont français ! Du coup, ils sombrent dans les extrémismes, dans la drogue, dans la religion.
Avez-vous quand même le sentiment d’avoir été l’un des médiateurs qui ont permis de changer un peu la donne ?
R. T. : Oui, bien entendu. Un peu. Pour preuves, ces minorités sont visibles dans les ministères, à l’Assemblée nationale ; mais le système lui-même verrouille ces avancées. Pour certains, la guerre d’Algérie n’est toujours pas finie. Il suffit d’écouter les discours sur la nationalité française, qui s’adressent avant tout aux Algériens. Je le dis sans paranoïa. Nous sommes les méchants Maghrébins, et les Marocains demeurent les gentils.
À Nanterre, vous allez vous retrouver dans un bistro, à jouer avec des musiciens du cru.
R. T. : Oui, un joli clin d’œil aux scopitones des années 60. Le bistro, c’est là où l’on pouvait croiser des artistes comme Dahmane El Harrachi ou Mohamed Mazouni. Je leur ai rendu hommage en reprenant respectivement Ya Rayah et Écoute-moi camarade. J’aime bien la promiscuité de ces lieux où l’on peut jouer avec tous. J’y vais parfois à Belleville, à Barbès. C’est toujours une source de plaisir.
Propos recueillis par Jacques Denis
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