Focus -326-Cristian Monti joue Jacques Lenot, Schumann et Scriabine à la lumière de Rilke
Cristian Monti joue Jacques Lenot, Schumann et Scriabine à la lumière de Rilke

Focus Galaxie Y
Publié le 25 octobre 2024 - N° 326Le label Galaxie Y accueille dans sa collection « Cabinet de curiosités » le nouvel enregistrement du pianiste italien Cristian Monti, remarqué il y a trois ans dans Haendel et Geminiani. Le répertoire est ici tout autre puisqu’il crée les Rilke Fragmente de Jacques Lenot (né en 1945) et lui associe des pages de Scriabine. Un moment d’intense poésie musicale qu’il porte sur la scène de la salle Cortot.
La musique est une affaire de rencontres. Certaines ne se font pas, d’autres tiennent du miracle. « C’est une constellation étonnante et inespérée que l’on observe ici : une artiste de 90 ans qui met en relation un jeune pianiste de 23 ans et un compositeur qui en a bientôt 80 » s’amuse Jacques Lenot. C’est en effet Françoise Thinat qui a eu l’intuition de lui commander une œuvre pour Cristian Monti ; elle est toujours occupée, infatigablement, à cette défense du répertoire – au sens le plus large, jamais figé – qu’elle a toujours faite sienne, comme pianiste ou fondatrice du concours international d’Orléans. Jacques Lenot a beaucoup écrit pour le piano. C’est une autre rencontre extraordinaire – avec le pianiste Winston Choi, lauréat du Concours d’Orléans en 2002 – qui avait mené à l’enregistrement de ce vaste corpus, puis de Chiaroscuro pour piano et orchestre. L’écriture, pratique quotidienne de Jacques Lenot, avait pris ces dernières années d’autres voix : souvent celles du quatuor, de l’ensemble ou de l’orchestre. Il a pourtant suffi d’une étincelle – une simple aquarelle et l’évocation avec Françoise Thinat de la poésie de Rainer Maria Rilke – pour que prenne forme un cycle de 39 pièces. « Quarante moins une, qui en est la part absente », précise le compositeur, obsédé comme Rilke par la question de la présence et de l’absence. La musique de Jacques Lenot déploie ses infinies variations comme une quête patiente de lumière, d’un instant où le mouvement du monde s’immobiliserait et laisserait entrevoir derrière lui « la hiérarchie des anges » vers lesquels l’homme voudrait porter son cri. Carillons dans l’aigu – « et des trilles, pour la première fois dans ma musique de piano » ajoute le compositeur – et résonances graves dessinent un espace où nous pourrions éprouver, comme le dit Rilke, « cette émotion qui est presque de la stupeur à voir qu’une chose heureuse tombe ».
Une musique qui nous porte « hors du temps »
La rencontre alors était au milieu de son chemin. Jacques Lenot n’a d’abord pas apporté ces Rilke Fragmente à Cristian Monti. Les deux se sont parlé, se sont découverts. Le compositeur n’a pas non plus écouté le travail du pianiste avant qu’ils ne se retrouvent le jour de l’enregistrement du disque : « Tout était là, le son était là, dès le premier fragment qui est une sorte d’énoncé, une façon de se mettre hors du temps, de se dire : maintenant, on est ailleurs ». Avec l’approbation du compositeur, Cristian Monti a choisi vingt-quatre des trente-neuf fragments : « J’ai fait mon chemin en retenant ce qui se répondait au niveau harmonique et thématique. Grâce à l’écriture sérielle, Jacques Lenot donne une unité étonnante à ces fragments. Tout s’enchaîne à la perfection ». Sur le disque comme pour le récital, les Rilke Fragmente sont bordés par les œuvres du dernier Scriabine, Préludes op. 74 et Dixième Sonate, soulignant une étrange parenté : l’Allegro drammatico, le troisième prélude, semble déjà appartenir au monde de Jacques Lenot – comme à celui de Rilke. Et la lumière qui traverse les Rilke Fragmente n’est-elle pas celle que Scriabine recherchait inlassablement, qui transparaît dans ces trilles que Jacques Lenot semble lui emprunter ? Ajoutons Schumann, dont Cristian Monti jouera les Fantasiestücke op. 12 en ouverture à la Salle Cortot, et qui est l’une des sources inspirantes de la musique de Jacques Lenot. « Ce sont trois génies qui se construisent un monde à part et le partagent avec nous ». Scriabine compose en poète, Schumann fait de ses pièces un théâtre imaginaire. Il y a bien de l’un et de l’autre chez Jacques Lenot.
Jean-Guillaume Lebrun
A propos de l'événement
Cristian Montidu vendredi 29 novembre 2024 au vendredi 29 novembre 2024
Salle Cortot
78 rue Cardinet, 75017 Paris
à 20h30.
Réservation : https://www.billetweb.fr/sortie-dalbum-de-cristian-monti-creation-mondiale-de-jacques-lenot
Fonds de Dotation Galaxie-Y