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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -325-Bonlieu - Scène nationale d’Annecy : un théâtre qui s’enracine dans le vivant

Bertrand Salanon : « Pour moi, le renouveau passe par la réaffirmation de l’exigence et de la qualité… »

Bertrand Salanon : « Pour moi, le renouveau passe par la réaffirmation de l’exigence et de la qualité… » - Critique sortie  Annecy Bonlieu - Scène nationale Annecy
(© Yannick Perrin) : Bertrand Salanon, directeur de Bonlieu.

Entretien

Publié le 26 septembre 2024 - N° 325

Entre accompagnement des artistes et actions à destination des spectateurs, Bertrand Salanon a conçu cette saison de transition en s’appuyant sur ce qui a fait, par le passé, la force de la Scène nationale d’Annecy : la mise à l’honneur de l’exigence artistique et de la création contemporaine.

Qu’est-ce qui, dans l’histoire et l’ADN de Bonlieu, vous a donné envie de postuler à sa direction ?

Bertrand Salanon : Pour commencer, le fait que ce soit un théâtre d’excellence ouvert sur l’Europe et le monde, un théâtre qui est parvenu à rassembler de larges publics en mettant en avant la création contemporaine. Bonlieu est une maison qui a prouvé qu’elle pouvait répondre à la double exigence de l’accompagnement des artistes et de l’accompagnement des publics. Et puis, l’environnement montagnard d’Annecy m’intéressait, ainsi que sa dimension transfrontalière, sa proximité avec la Suisse et l’Italie qui ouvre des possibilités d’échanges et de coopérations.

Vous souhaitez, à travers votre projet, prendre l’homme et son milieu en considération. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

B.S. : Mon projet vise à inscrire Bonlieu dans tous les territoires qui composent la Ville d’Annecy, en créant de nouvelles circulations, de nouveaux liens. Ce qui implique de prendre en compte les caractéristiques de l’environnement alpin, qui est l’un des premiers à devoir faire face aux effets du dérèglement climatique. Je me suis appuyé sur la lecture d’ouvrages de Baptiste Morizot, notamment Manières d’être vivant : enquêtes sur la vie à travers nous, dans lequel il explique que l’une des causes de la crise écologique est une crise de la sensibilité. Cette prise de conscience interroge notre anthropocentrisme, ainsi que la façon dont nous nous replaçons dans le champ du vivant. Ces réflexions sont à la fois des sources d’inquiétude et des facteurs d’émancipation. L’émancipation étant au centre des politiques publiques de l’art et de la culture, il m’a semblé intéressant de croiser cette notion avec l’idée de territoire, avec l’attention que l’on porte aujourd’hui à l’environnement, avec la question de l’écologie… Je m’empare de ces sujets depuis l’endroit qui est le mien : celui de l’art et de la culture.

« J’ai voulu penser le champ de la production en travaillant sur la durabilité. »

Concrètement, ça passe par quoi ?

B.S. : D’abord, par des choix de programmation. Par exemple, Wasted Land de Ntando Cele et Recommencer ce monde de Jérôme Bel, deux spectacles présentés en 2024/2025, s’inscrivent pleinement dans cette démarche. Ensuite, j’ai voulu penser le champ de la production en travaillant sur la durabilité. Ce qui revient, notamment, à proposer des séries plus longues, à réfléchir avec d’autres structures — comme la Scène nationale de Chambéry, La Comédie de Genève ou le Théâtre de Saint-Gervais, le Théâtre Vidy-Lausanne, la MC2 : Grenoble… — à de nouvelles façons de rationnaliser et de faire circuler les spectacles. L’attention aux milieux se fabrique aussi à travers des projets de territoire pensés avec les nouveaux artistes associés : le Collectif Making Waves, Gwénaël Morin et Maud Blandel. Ainsi, travailler avec Gwénaël Morin, c’est travailler avec un metteur en scène dont les spectacles, centrés sur l’acteur, nécessitent peu. Travailler avec Making Waves, c’est investir un récit territorial et explorer des questions d’insertion. Travailler avec Maud Blondel, qui vit à Lausanne, c’est se placer dans une proximité géographique… Et puis, nous allons mettre en place un dispositif du théâtre nomade pour nous déplacer vers les gens, plutôt que de leur demander de venir à nous.

Votre projet vise également à donner plus de place à des temps forts festivaliers…

B.S. : Oui. D’une part, cela nous permettra de nous adresser aux publics au-delà des spectateurs, d’autre part, de réinventer les usages du théâtre en changeant les temporalités, en sortant des espaces habituellement dédiés à la représentation. L’idée est d’ouvrir le théâtre sur la ville à l’occasion de rendez-vous festifs. Nous allons ainsi repenser Annecy Paysages en nous demandant comment ce festival (ndlr, qui se déploie dans l’espace public d’Annecy) peut être un acteur d’une cité qui évolue et se recompose, comment il peut amener les habitants à redécouvrir leur ville et à se l’approprier. Et puis, en plus du festival pour jeunes publics Autour des enfants (ndlr, du 15 au 17 novembre), nous avons imaginé un troisième temps fort festivalier, intitulé Staying alive, qui à partir de 2026 se construira chaque année en complicité avec l’un des artistes associés.

Comment avez-vous construit cette saison 2024/2025 ?

B.S. : Il s’agit d’une saison de transition. J’ai tenu à ce que les projets engagés par mon prédécesseur soient maintenus. Pour moi, le renouveau passe par la réaffirmation de l’exigence et de la qualité. Mon premier geste a été de consolider ce qui existait avant mon arrivée, mon second sera d’élargir les publics en rayonnant différemment sur le territoire, en enrichissant notre programmation d’autres écritures, afin de nous adresser aussi à celles et ceux qui ont envie de découvrir de nouveaux univers.

 

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Bonlieu - Scène nationale Annecy
1 rue Jean-Jaurès, 74000 Annecy.

Tél. : 04 50 33 44 11.

www.bonlieu-annecy.com

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