Au Printemps des Comédiens, Jean Varela propose un théâtre qui questionne et transforme

« Le Printemps des Comédiens s’inscrit dans une forme de continuité, que nous essayons de structurer toujours plus avant. Cette année est marquée par un projet majeur qui est le rapprochement du Domaine d’O, dont j’assume désormais à l’année la direction artistique, et du Printemps des Comédiens. Cette structure commune, qui verra le jour en 2024, a été précédée par la création d’une cellule de production préfigurant une cité européenne du théâtre, grâce à laquelle Montpellier s’affirme de manière très forte comme lieu de fabrication du théâtre. Nous avons mis en route cette nouvelle maison de production en invitant Ivo van Hove à recréer avec des comédiens français Après la répétition et Persona d’Ingmar Bergman, une rencontre au sommet avec une distribution passionnante, mais aussi en étant le coproducteur principal de Julien Gosselin pour Extinction, qui nous plonge dans la Vienne des années 1920 d’Arthur Schnitzler et dans l’extraordinaire dernier roman de Thomas Bernhard. Cette édition recèle de nombreuses coproductions et créations que nous accompagnons. Dans nos maisons de service public, le substrat c’est la curiosité du public, qui nous permet d’aller vers l’inconnu. Et à Montpellier, quarante ans de politiques culturelles ont formé un public.

Ouvrir des chemins aventureux

Le Domaine d’O est notre jardin d’Épicure, notre domaine de rencontres avec les théâtres, la pinède, la librairie, le restaurant… À partir de ce centre, nous essaimons dans plusieurs lieux sur tout le territoire. Chaque saison la programmation une fois construite révèle à quel point les artistes s’emparent des préoccupations majeures du moment. Cette année les spectacles traduisent un questionnement sur l’état du monde, sur l’état de l’Europe, sur le pouvoir et les régimes autoritaires. Ainsi, par exemple, Extinction fait face à un effondrement moral, Ubu par Robert Wilson s’inspire du travail de Joan Miró au temps du franquisme, L’Esthétique de la résistance de Peter Weiss mis en scène par Sylvain Creuzevault se fonde sur la figure d’un ouvrier qui entre en résistance, Der Wij de Kirill Serebrennikov transpose une légende ukrainienne dans la guerre actuelle…  Ces créations et d’autres posent la question de la force de l’art afin de se forger une capacité de résistance, de transformation. Un tel théâtre n’assène pas de réponses mais questionne, joyeusement. Par les cheminements qu’il ouvre, il peut nous aider à faire face aux incertitudes du monde et du moment. »

Propos recueillis par Agnès Santi