Focus -324-Génération Spedidam : Aline Piboule, dans l’intimité du dernier Fauré
Aline Piboule, dans l’intimité du dernier Fauré

Dans le cadre du centenaire de la mort de Fauré, la pianiste Aline Piboule fait redécouvrir la dernière période créatrice du compositeur français dans une monographie, Nocturnes et Barcarolles, enregistrée par Harmonia Mundi sur un instrument d’époque, un Gaveau conservé au Musée de la musique à la Philharmonie de Paris, pour la collection Stradivari. La soliste présente son quatrième album, avec une partie du programme du récit-récital conçu avec Pascal Quignard. Dans une approche singulière du répertoire, elle s’attache à accompagner le public vers des trésors méconnus grâce à une narration musicale.
Quelle est l’origine de votre projet autour du dernier Fauré ?
Aline Piboule : Fauré est depuis longtemps à mon répertoire : mon premier disque solo l’associait à Dutilleux. Lorsque le centenaire de la mort du compositeur a approché, l’idée d’un hommage est venue naturellement. Pour la forme du récit-récital que nous développons ensemble avec Pascal Quignard depuis plusieurs années, nous avons voulu mettre en avant la fin de la vie de Fauré, et ses liens avec Marguerite Hasselmans, au travers d’un dialogue entre la correspondance, les pages pour piano et des textes inédits de Pascal Quignard. La mise en contexte biographique, avec la surdité qui déformait l’audition du compositeur, le privant de l’écoute de ses œuvres en concert, avec aussi la guerre, permet de comprendre l’aspect sombre et tourmenté de ses dernières œuvres. Dans l’élan de ce récit-récital créé à la Philharmonie de Paris en janvier, l’enregistrement de l’album est le résultat d’une proposition d’Harmonia Mundi pour faire connaître ces pièces qui figurent dans les intégrales de l’œuvre pour piano de Fauré, mais ne font pas l’objet de monographies spécifiques, et ne sont presque jamais jouées en concert.
« Je propose un saut vers le monde sonore du passé avec des œuvres de Fauré, intenses et rarement jouées. »
Comment avez-vous élaboré le programme du disque ?
A.P. : J’aime prendre le public par la main pour l’amener à des découvertes. Dans les sept Barcarolles de l’album, sur les treize de la main de Fauré, les dernières dialoguent avec celles plus anciennes et peut-être plus connues, et il en est de même pour les quatre des treize Nocturnes que j’ai choisis. De cette manière, on crée un parcours harmonique, introduit par une mélancolique Improvisation, conçue pour une lecture à vue au Concours du Conservatoire en 1901 et publiée l’année suivante dans le recueil de Pièces brèves.
En quoi cet album Fauré s’inscrit-il dans le développement de votre approche du répertoire ?
A.P. : Pour chaque disque, j’essaie d’apporter quelque chose d’original et de singulier. C’était le cas avec l’éclairage mutuel entre Fauré et Dutilleux pour mon premier enregistrement solo. Pour le deuxième, j’avais mis en valeur des compositeurs français oubliés de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Le troisième, Coincidentia Oppositorum, mettait en relation les parts sombres de Bach, Liszt et Olivier Grief. Dans ce nouveau disque chez Harmonia Mundi, je propose un saut vers le monde sonore du passé avec des œuvres de Fauré, intenses et rarement jouées.
Sur quel instrument avez-vous gravé l’album ?
A.P. : Dans le cadre d’un partenariat avec le Musée de la Musique de la Philharmonie, nous avons choisi un Gaveau de 1929 – cinq ans après la mort de Fauré. Cela permet de faire entendre ces œuvres rares sur un piano d’époque. C’est une occasion unique, pour les auditeurs qui n’étaient pas au récit-récital en janvier, de le découvrir, car c’est un instrument, restauré pour le Musée de la Musique, et destiné à y rester – il ne peut plus être déplacé pour un concert hors de la Cité de la Musique. Son équilibre entre des basses profondes et des aigus perlés, cristallins mais sans le brillant des pianos d’aujourd’hui, élargit les possibilités de coloration d’un son à la fois fin et chaleureux, tout en soulignant la lisibilité, mélodique et harmonique, de la musique de Fauré. Et avec le système Dolby Atmos, qui donne une grande profondeur sonore, l’auditeur a l’impression d’une véritable immersion dans le son du piano.
Propos recueillis par Gilles Charlassier
A propos de l'événement
Aline Pibouledu vendredi 13 septembre 2024 au samedi 9 novembre 2024
Sortie du disque Nocturnes et Barcarolles le 23 août.
Le dernier amour de Fauré, avec Pascal Quignard, au Festival de l'Orangerie à Sceaux le 13 septembre, à Fontvieille le 27 septembre et au Musée Wurth à Erstein le 9 novembre.
http://www.alinepiboule.fr/agenda/