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Focus -321-Génération Spedidam

Abraham Mansfarroll : l’amour des percussions, ça claque !

Abraham Mansfarroll : l’amour des percussions, ça claque ! - Critique sortie  Paris Studio de l’Ermitage.
Le Cubain Mansfarroll cultive ses multiples talents. © DR

Entretien

Publié le 23 avril 2024 - N° 321

Diplômé du prestigieux Instituto Superior de Arte, Abraham Mansfarroll Rodriguez a dans les mains tout l’héritage de la musique afro-cubaine, qu’il a mis au service de nombreux musiciens, en tous genres. Mais c’est aujourd’hui aussi sous son nom qu’il se distingue, comme en attestent deux disques, et désormais le soutien de la Spedidam à ce créateur que tout le monde a entendu, mais qui demeure pourtant encore trop méconnu. Présentation.

Quand et comment avez-vous découvert la musique ?

Abraham Mansfarroll Rodriguez : J’ai été bercé par la musique dès l’âge de 2 ans avec Lalita, ma nounou qui a toujours chanté et dansé le bembé de Sao. Pendant les Carnavals, à Guantánamo, elle me faisait jouer avec un siège en forme de tambour et une boîte de conserve. Amour et tambour, c’était le combo gagnant pour que je reste accro à la musique ! Et ce fut les percussions parce qu’un piano ou une trompette, c’est cher à Cuba.

On dit souvent que Cuba a conservé des rythmes que même l’Afrique a oubliés. Cette fécondité rythmique, est-ce la clef pour mieux entendre la musique cubaine ?  

A.M.R. : Cuba est un melting-pot de différents rythmes d’Afrique : Congo, Bénin, Nigeria, Ghana… À partir de ça, les Cubains ont su adapter, recréer et créer leurs propres rythmes afro-cubains comme les Palo, Makuta Arara, Abakua, Rumba et plus contemporains, les Changüi, Kiriba, Son, Guajira, Danzón, Cha-Cha-Cha, Songo, Mozambique et Timba…

En quoi votre collaboration avec Sintesis, légendaire groupe cubain, a-t-elle été essentielle dans votre parcours ?

A.M.R. : Avec Sintesis, j’étais à la fois batteur et percussionniste, ce qui a été une très belle expérience. Cela m’a ouvert la porte d’autres très grands noms cubains avec Maraca Valle, Tata Güines, Changuito, Las Hermanas Faez et récemment Chucho Valdés.

Vous avez décidé de vous installer en France en 2002. Pourquoi ce choix ?

A.M.R. : En 2001, j’ai fait une tournée à Los Angeles, New York, Londres, Barcelone et Paris et là… l’évidence ! J’ai été et je reste fasciné par cette ville.  Elle attire de nombreux artistes et musiciens de grand talent, représente tout ce qui me faisait rêver. Cela m’a permis des rencontres et collaborations que j’aurais difficilement pu faire autrement comme avec Charles Aznavour, Ibrahim Maalouf, Patrice Caratini, Julien Lourau, Patrick Bebey, Papa Wemba, Camille Bertault, Michel Fugain, Alfredo Rodriguez, David Murray…

« Quelle que soit la musique, ce sont les percussions qui sont au centre de la musique que je joue. »

Vous avez enregistré deux disques sous votre nom. Quels sont-ils ?

A.M.R. : Le premier s’intitule Utopia Guantanamera. Il célèbre ma ville natale, Guantánamo, et réalise le rêve fou d’enregistrer ma propre musique à Paris. Le second est un hommage à Dizzy Gillespie, surnommé El afrocubano. Le jazz a énormément apporté à la musique cubaine : la place de l’improvisation, la richesse harmonique, la forme… Il a mis en avant et donné une visibilité à des instruments peu valorisés comme les miens. Jazz, musique cubaine, classique, quelle que soit la musique, ce sont les percussions qui sont au centre de la musique que je joue. Ce sont elles que je veux explorer. Je veux faire entendre leur extrême richesse et leur ampleur à travers une multitude de rythmes et d’instruments.

Vous avez monté un orchestre, Campana Project, dédié justement au jazz afro-cubain, avec des musiciens du monde entier. Est-ce une manière de prouver que cette musique fait partie du patrimoine mondial ?

A.M.R. : Bien sûr, la rumba et la tumba francesa ont été inscrites au patrimoine immatériel de l’humanité, mais le jazz afro-cubain est inscrit au patrimoine des musiciens. Campana Project réunit des musiciens et musiciennes du monde entier autour des mêmes passions pour la richesse harmonique du jazz et les rythmes afro-cubains.

Suite au soutien de la Spedidam, préparez-vous un troisième album ? 

A.M.R. : Oui, bien sûr. L’Afrique et ses tambours en sont l’inspiration. Je serai entouré de musiciens fantastiques dont Patrick Bebey, Yaroldy Abreu, Irving Acao, Felipe Cabrera…

Vous fêtez vos cinquante ans en avril…. Un premier bilan de votre carrière ? 

A.M.R. : 50 ans ? Déjà ? Je suis très content des rencontres musicales et collaborations que j’ai vécues.  J’ai le même enthousiasme que la première fois que j’ai tapé sur un tambour. Mais j’ai soif de plus de musique, de plus de rythmes, de plus de découvertes de pays du monde. Il est trop tôt pour faire un bilan, surtout que j’espère, comme mon compatriote Compay Segundo, être à 92 ans sur scène avec un tambour à la main !

Propos recueillis par Jacques Denis

A propos de l'événement

Abraham Mansfarroll
du mardi 2 juillet 2024 au mardi 2 juillet 2024
Studio de l’Ermitage.
8 rue de l’ermitage, 75020 Paris.

à 21h.

Tel. : 01 44 62 02 86.

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