Fille du Paradis
Après avoir éclairé le festival 2013 de ses [...]
Avignon / 2015 - Entretien Mohamed Rouabhi
Auteur, comédien et metteur en scène, Mohamed Rouabhi revient sur son parcours et défend l’idée d’un état des lieux chiffré de la diversité dans le milieu du théâtre.
« Quand j’ai été admis à l’ENSATT, en 1986, le directeur de l’époque m’a convoqué dans son bureau. La larme à l’œil et la bonhommie paternaliste, il m’a souhaité la bienvenue et assuré de sa joie de me voir faire partie de l’école. Il a ajouté enfin, le regard compatissant, que ce serait toutefois très dur pour moi dans ce métier… Il avait tort et raison à la fois. Mais pour de mauvaises raisons ! La place que j’ai, personne ne me l’a donnée. J’ai cassé des murs porteurs dans la maison pour y percer de nouvelles entrées vers l’extérieur. Et peut-être aussi pour permettre à d’autres de profiter de l’ouverture ! Le théâtre est l’art de la parole et de la subjectivité. On n’a aucun problème en France avec un Noir qui danse, fait de la musique ou ramène des médailles à la maison. Dès qu’il prend la parole, ça devient un problème. Parce qu’on suppose que ce qu’il va nous dire va fâcher. Car ce métier est narcissique.
Percer de nouvelles entrées vers l’extérieur
Ce sont les mêmes raisons qui font que, dans ce système pyramidal, les postes les plus importants sont toujours occupés par des Blancs. Je crois que, si l’on veut que les choses changent, il faudra faire un état des lieux de la diversité dans le milieu du théâtre, pour véritablement savoir de quoi on parle. Cela signifie avoir des chiffres. N’en déplaise à ceux qui refusent les statistiques ethniques, mais qui comptent le nombre de basanés dans l’école de leurs enfants pour évaluer le niveau général, ou qui fantasment sur la criminalité et le pourcentage d’Arabes et de Noirs dans les prisons françaises. Ensuite il faudra réfléchir à la formation. La ghettoïsation du Jamel Comedy Club est la démonstration éclatante de l’échec total de la formation de comédiennes et de comédiens non-blanc dans les écoles nationales. Ça commence à changer avec l’arrivée de Claire Lasne à la direction du Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Ce n’est qu’un début, continuons le combat ! »
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
Après avoir éclairé le festival 2013 de ses [...]