Le Révizor
Les membres du collectif VdP, mis en scène [...]
Désireux de porter à la scène le roman autobiographique de l’écrivain norvégien Knut Hamsun et de rappeler l’actualité de la misère qu’il décrit, Xavier Gallais l’interprète en jouant finement avec les codes théâtraux.
Plus d’un siècle après l’écriture de ce roman poignant, qui décrit la dérive hallucinée d’un jeune homme aux prises avec la faim et les troubles intellectuels et psychologiques qu’elle provoque en lui, Florient Azoulay et Xavier Gallais adaptent pour la scène cette odyssée intérieure d’un homme taraudé par le désir de réplétion et de reconnaissance. La maigreur et le dénuement le rendent invisible, et l’aboulie créatrice l’empêche de vivre de son talent. Errant dans les rues de Christiania, tâchant désespérément de vendre les boutons de son manteau à un usurier méprisant et inventant un chien imaginaire pour obtenir un os à ronger du boucher compatissant, il traîne sa carcasse humiliée parmi ses semblables qui l’ignorent. Il ressemble aux fantômes qui peuplent nos rues, dont on croise le corps mais pas le regard, et dont Xavier Gallais a voulu, par ce spectacle, rappeler la scandaleuse misère.
Investir l’espace du dedans
C’est justement autour du regard et de l’adresse que s’organise la mise en scène de cette adaptation du roman de Knut Hamsun. Installé à jardin avant que ne commence la pièce, Xavier Gallais, yeux dans les yeux du public, provoque d’emblée le malaise : le refus de la convention théâtrale renvoie à notre propre incapacité à soutenir le regard des laissés-pour-compte du jeu social. La scénographie suggère très adroitement la possible confusion de ce qui se donne à voir : moquette luxueusement immaculée et sapin de Noël clignotant d’une veillée confortable, passée à entendre le récit frémissant d’une vie, à laquelle tout spectateur espère pouvoir échapper, ou trottoir enneigé et décoration urbaine de l’égoïsme contemporain léchant les vitrines en enjambant les corps des SDF grelottant ? Xavier Gallais – que son physique avantageux et son col en fourrure font paraître prince russe plutôt que suicidaire égaré du Cri – module son jeu entre incarnation et détachement. D’abord lecteur sous les pleins feux, il devient progressivement, à mesure que se réduit la lumière, le malheureux dont il raconte l’histoire. Xavier Gallais est un comédien subtil : la délicatesse et la richesse de son interprétation parviennent à montrer que le théâtre est d’autant plus efficace quand il choisit l’imagination du spectateur comme scène où déployer ses effets.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 21h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h20.
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