« La guerre n’a pas un visage de femme », Julie Deliquet met en scène l’adaptation scénique du premier livre de Svetlana Alexievitch
Julie Deliquet met en scène l’adaptation [...]
Né dans une famille de survivants, Éric Feldman reprend ce récit de soi autour des effets traumatiques de la Shoah. Avec humour, acuité et profondeur, il interroge ces répercussions dans une veine intime qui rejoint l’universel. Une enquête fondamentale, à découvrir par les jeunes et moins jeunes.
Le 20e siècle, celui de Staline, Hitler, Mussolini, Mao, Pol Pot… Celui dans lequel a grandi Éric Feldman, au sein d’une famille de survivants de la Shoah – six millions de juifs européens assassinés, dont plus d’un million d’enfants ; un continent entier disparu, le Yiddishland, ses traditions, ses mouvements politiques, sa littérature, sa musique, son extraordinaire théâtre. À l’âge de 10 ans, Victor, le père d’Éric, était tout fier de porter son étoile jaune avec les initiales V. F., qui pour lui voulaient dire « Vive la France ! ». Dans ce seul en scène profondément touchant, en partage avec des êtres humains venus pour l’écouter, Éric Feldman évoque les effets traumatiques de la Shoah sur la génération des rescapés et sur les suivantes. Comme l’indique d’emblée le titre de la pièce, il choisit pour ce faire une forme d’humour décalé, sombre et puissamment révélateur, dans le sillage de Romain Gary : « L’humour, c’est l’arme blanche des hommes désarmés ; c’est une déclaration de dignité, de supériorité de l’humain sur ce qui lui arrive. » Il parle des angoisses, de la suffocation, des envies de suicide, invite à inspirer le positif et expirer le négatif.
Psychanalyse et quête de vérité
Seul sur scène assis au côté de ses carnets, dans une sincérité et une disponibilité d’une redoutable précision, il se tient en équilibriste sur un fil entre l’abîme et la vie, soutenu par son grand talent de comédien (il est l’un des interprètes du formidable Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat) et par la délicate mise en scène d’Olivier Veillon. Il retrace les bienfaits de son expérience psychanalytique : « c’est vrai que la psychanalyse ça peut apprendre ça, ça peut apprendre que… que… y a de l’autre… et déjà de l’autre en soi… » Il évoque aussi son chat Milosh. Malgré les névroses et les tourments, il révèle au cœur du deuil impossible une intelligence aiguë et une humanité en quête de douceur. « Suis-je le gardien de mon frère ? », voilà « une bonne question » qui permet de contrer l’idée du crime. Il s’interroge sur Freud et Hitler. L’être humain Hitler, qui adorait sa mère Klara, qui aurait pu avoir Freud comme psychanalyste. « Si Hitler avait été reçu à l’Académie des beaux-arts de Vienne, je serais peut-être le père de deux ou trois enfants aujourd’hui ! » dit-il. Les oncles et tantes d’Éric n’ont pas eu d’enfant : « Dieu merci », a dit sa tante Sarah. Comme un écho au déchirant poème Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas d’Imre Kertész, immense écrivain survivant des camps d’Auschwitz et Buchenwald. Dans la fragilité de sa recherche, dans la distance de son humour, Éric Feldman s’attache à l’être, se joue de la langue et de sa construction qui le fait hésiter à voix haute entre deux mots. Le spectacle rend hommage de manière bouleversante aux résistants des ghettos dont le chant des partisans résonne, en yiddish. Un stand-up thérapeutique, qui dans le temps du théâtre s’élève à chaque instant contre l’absurdité de la haine.
Agnès Santi
du vendredi au dimanche ; du 25 septembre au 12 octobre, du jeudi au dimanche ; du 15 au 26 octobre, du mercredi au dimanche, à 19h, sauf dimanche à 15h. Tél. : 01 42 08 00 32. Durée : 1h25. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg.
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