La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Entretien Jean-Pierre Vincent
L’Orestie : acte de naissance de la démocratie? et de notre théâtre

<p>Entretien Jean-Pierre Vincent <br>
<i>
L’Orestie</i> : acte de naissance de la démocratie? et de notre théâtre </p> - Critique sortie Théâtre
Photo : Le son et le groove de l’Île de la Trinidad avec le Renegades Steel Band.

Publié le 10 mars 2007 - N° 146

Jean-Pierre Vincent considère L’Orestie d’Eschyle comme l’acte de
naissance de notre théâtre, l’endroit où tout peut recommencer. Avec la
quinzième promotion de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes, le metteur en
scène de talent donne Une Orestie d’après le poème d’Eschyle aux
résonances contemporaines.


Pourquoi ce titre d’« Une » Orestie ?

Jean-Pierre Vincent : C’est un spectacle de sortie d’école, un atelier de
travail à destination du public avec un groupe d’acteurs formés sur trois ans.
La première année, l’atelier portait sur les Pièces de guerre d’Edward
Bond, une sorte de Discours sur la méthode, un texte moderne qui
ressemble à Eschyle. La seconde année, nous avons consacré cinq semaines de
travail à L’Orestie dans la traduction de Claudel. La dernière année, le
groupe a consacré huit semaines à la version de Peter Stein dans la traduction
de Bernard Chartreux. Une version pensée pour le théâtre aujourd’hui.

L’Orestie fait partie des titres dont tout metteur en scène rêve.

J.-P. V. : J’attendais la certitude de bien connaître le groupe. On s’est
lancé dans l’aventure avec émotions et tremblements ; je ne regrette pas ce
voyage. Si l’on s’attache à l’état actuel de notre société et à la perspective
de la campagne électorale, on ne peut qu’être ébloui par l’opportunité de L’Orestie,
L’?uvre commence dans la nuit des temps avec de vieilles lois assassines, elle
finit par la naissance, peut-être utopique, de la démocratie. Ainsi, savoir
juger les crimes d’une façon contradictoire et argumentée.

« Il n?est rien de plus fragile que l’idée de système de vie
pacifique et de démocratie. »


Comment raconteriez-vous Agamemnon, Les Choéphores et Les
Euménides ?

J.-P. V. : L’Orestie commence avec l’histoire de la famille des
Atrides. Agamemnon est le chef victorieux de la Guerre de Troie, il revient chez
lui à Argos. Il est attendu par sa femme Clytemnestre qui vit avec Égisthe.
Clytemnestre ne peut accepter le sacrifice de leur fille Iphigénie, décidé par
Agamemnon, afin de pouvoir vaincre l’arrêt des vents et parvenir jusqu’à Troie.
Clytemnestre et Égisthe massacrent Agamemnon. La deuxième pièce Les
Choéphores
se passe huit ans plus tard alors qu’Oreste, fils d’Agamemnon et
de Clytemnestre, qui a été exilé, rejoint sa s’ur Électre restée à la maison. Le
frère massacre le couple adultère maudit. Oreste devient à moitié fou, il est
poursuivi par des déesses de la vengeance ancestrale qui sont les Érinyes.

Les Euménides, la troisième pièce, signifient Les Bienveillantes.

J.-P. V. : À l’origine, ce sont des déesses malveillantes à la poursuite
à travers toute la Grèce d’Oreste, protégé par Apollon, qui lui a conseillé de
tuer sa mère. Les Érinyes veulent venger le meurtre maternel tandis que la
nouvelle génération des dieux, Apollon et Athena, la déesse de la Terre,
s’unissent pour dénouer le problème. C’est Athena qui résout la contradiction en
déplaçant la question, et en inventant pour sa ville, à jamais et pour toujours,
le tribunal démocratique. Oreste est ainsi sauvé, d’où le mécontentement des
Érinyes qui veulent mettre Athènes à feu et à sang. Athena imagine alors de
récupérer les Malveillantes pour en faire des Bienveillantes qui veillent sur la
ville quand elle est confrontée à ses crises.

Une fable dont les correspondances sont d’actualité.

J.-P. V. : Nous faisons tous les jours, sur tels points de la planète,
l’expérience des problèmes de la loi du Talion et de la vengeance mécanique. La
question du débat entre cette vieille loi de la vengeance qui existe depuis que
le monde est monde, et la nouvelle loi qui est à la fois belle et problématique
? celle de la discussion et de la persuasion -, reste une réalité à la fois
antique et d’une grande modernité. Nous sommes faits de ces deux moyens-là. Dans
l’histoire de l’humanité, il n?est rien de plus fragile que l’idée de système de
vie pacifique et de démocratie, à reconstruire tous les jours, au-delà des
dissensions, avec la sagesse et l’attention portées à l’autre.

L’humanité d’Eschyle est fantastique.

J.-P. V. : Elle est à la fois proche de nous et contradictoire. Eschyle
est un grand défenseur des femmes. Athena dans Les Euménides choisit
toutefois la parole du père. La mère n?engendre pas l’enfant, elle est
simplement porteuse de la semence de l’homme. Mais Eschyle est une mesure, le
reflet de toute notre culture.

Propos recueillis par Véronique Hotte

Une Orestie, Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides d’Eschyle, mise en
scène de Jean Pierre Vincent, Agamemnon les 20, 22, 27, 29 mars à 20h, Les
Choéphores ? Les Euménides les 21, 23, 28 et 30 mars à 20h, Intégrales les 24,
25, 31 mars et 1er avril à 16h au Théâtre de l’Aquarium Cartoucherie 75012
Paris Té : 01 43 74 99 61

www.theatredelaquarium.com

 

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