La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Entre les murs

Entre les murs - Critique sortie Théâtre
Photo : Jean-Julien Kraemer Conseil de discipline réglo avec principale, profs et conseillère pédagogique.

Publié le 10 février 2009

À l’origine de la version scénique du roman de François Bégaudeau Entre les murs et avant la révélation de la Palme d’Or à Cannes du film de Laurent Cantet, François Wastiaux fait de l’école blessée un kaléidoscope bienveillant.

La gageure de François Wastiaux consiste à mettre en scène le chaos inconcevable d’une salle de classe dans un collège « difficile ». Comment de la troublante réalité rugueuse passer au confort vernis d’un plateau de théâtre ? Une troupe de comédiens policés – tous dirigés avec brio – serait-elle apte à refléter la diversité ethnique et sociale de collégiens d’aujourd’hui ? L’art du théâtre qui oblige à la fois au retour privilégié sur soi et à l’ouverture politique sur le monde se situe-t-il si loin des misères économiques et affectives qui touchent les élèves en échec ? Le metteur en scène François Wastiaux a pris le taureau par les cornes en multipliant les points de vue scéniques sur une actualité brûlante. Comment «prendre en charge » dans le bateau ivre de l’existence les élèves en grande difficulté ?  C’est la question de la principale (Michèle Foucher), comme celle du professeur principal chevronné (Barnabé Perrotey) et de toute la communauté éducative. La proximité avec l’angoisse de Hamlet est sensible : « Voilà en gros c’est ça To be or not to be. Être souffrant ou ne pas être c’est-à-dire mourir. » C’est aussi la condition maudite de l’élève, subir un enseignement auquel il ne croit pas et exister ainsi de façon larvaire.

Le public est alternativement dans la classe et dans la salle des profs.

La condition de l’enseignant fait part de la même souffrance quand il choisit de conférer sans le moindre prestige un savoir qu’il sait inadapté aux tensions quotidiennes et extrascolaires que vit l’ado, comme à sa propre formation universitaire qu’il pensait prometteuse. Pris dans un dilemme où demeure le sentiment d’être de toute façon le perdant, jamais l’adulte ne jette l’éponge et n’abandonne dans l’humiliation sa mission pédagogique concrète. La scénographie ouvre les murs de la classe, images vidéo, couloirs, salles vides, fenêtres, cour de récréation et arbres parisiens. La salle trifrontale entoure la scène ; le public est alternativement dans la classe et dans la salle des profs. Les comédiens jouent les ados, puis leur rôle bascule du côté des enseignants grâce à un glissement de vêtement ou à une intonation magistrale, un enchantement. Les collégiens rampent à même les tables, s’enchevêtrent, s’étalent sur les chaises, puis se métamorphosent, station debout et matures. La séparation entre les deux communautés reste volontairement fragile, les élèves « à problèmes » renvoient sans complaisance aux adultes leur propre miroir troublé. Ce témoignage questionne l’art et la politique. Puisque le creuset égalitaire de l’école s’estompe davantage, l’heure est à une transmission réinventée qui mènerait à l’autonomie et à la liberté. Du théâtre vif, joyeux et engagé.
 
Véronique Hotte


Entre Les murs Théâtre-récit de et par François Wastiaux, d’après le roman de François Bégaudeau, mardi 19h, mercredi au samedi 20h, matinée 16h, du 16 janvier au 14 février à Théâtre-Ouvert, Jardin d’Hiver, 4 bis cité Véron 75018 Paris Tél : 01 42 55 55 50

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