La Terrasse

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Théâtre - Critique

« Du rêve que fut ma vie » des Anges au plafond : un poème visuel

« Du rêve que fut ma vie » des Anges au plafond : un poème visuel - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre 14
Camille Trouvé dans Du rêve que fut ma vie de la Cie Les Anges au Plafond © Vincent Muteau

Théâtre 14 / écriture Brice Berthoud et Camille Trouvé

Publié le 26 avril 2024 - N° 321

Avec Du rêve que fut ma vie, Les Anges au Plafond se confrontent pour la deuxième fois à Camille Claudel, en s’appuyant sur les lettres que l’artiste a écrites tout au long de sa vie. Un seule en scène qui confronte une femme intense à la violence d’une société qui l’isole et entend la réduire au silence. Une superbe œuvre théâtrale.

Tout part des mots, des mots de Camille. Mots tracés sur une feuille de papier, d’abord ; mots prononcés qui se mêlent aux notes d’un violoncelle, ensuite. Sur le plateau chichement éclairé, dans une grande proximité avec le public, Camille Trouvé, la comédienne-marionnettiste, et Fanny Lafargues, la musicienne, dessinent ensemble le portrait de Camille Claudel. Il s’agit d’un portrait en creux : ces lettres, auxquelles aucune réponse n’est donnée, font la somme des passions, des inquiétudes et finalement des souffrances d’une femme qui, en s’adressant à autrui, se révèle elle-même. Des mots tantôt fulgurants et tantôt déchirants, qui forment l’empreinte du mouvement d’une vie, étape par étape : l’affirmation de l’artiste, la confrontation passionnelle avec le maître devenu amant, l’isolement construit autour d’elle par sa famille, l’inexorable progression de la folie. En filigrane, la volonté des hommes – l’amant, le frère – de contrôler cette femme trop libre, trop douée, trop séduisante.

Un poème visuel où sourd la violence

Pour servir ce poème visuel et sonore, les Anges usent de leur matière fétiche, le papier, et l’emploient dans toutes ses dimensions : sculpté, déchiré, plié, il peut aussi former des sons ou être interposé devant des sources lumineuses pour créer des effets d’ombre et de transparence, un jeu de caché-révélé assez marionnettique. Pourtant, il n’y a pas de marionnette au sens strict, ici : de la matière, oui, mais nul pantin anthropomorphe ne vient co-habiter la scène avec Camille. Qui se retrouve donc seule pour figurer tous les personnages, au premier rang desquels cette homonyme illustre, si brillante, si puissante qu’on pourrait la croire impossible à incarner. Et pourtant la comédienne y arrive superbement, sans doute inspirée par la nécessité de rendre hommage à une pionnière exceptionnelle. Charnelle, densément présente, tantôt tapie dans les ombres et tantôt explosive dans des excès d’émotion qui débordent sur toute la salle, elle est habitée par son rôle. La délicatesse des notes du contrebasse et la création lumière ciselée la secondent efficacement. C’est une superbe œuvre théâtrale, qui mérite qu’on la découvre.

Mathieu Dochtermann

A propos de l'événement

Du rêve que fut ma vie
du mardi 28 mai 2024 au samedi 15 juin 2024
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier, 75014 Paris

les mardis, mercredis et vendredis à 20h, les jeudis à 19h, les samedis à 16h. Tél. : 01 45 45 49 77.

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