Ramona
Avec une grâce et un savoir-faire [...]
Seulement trois pièces à son actif à la tête de sa compagnie Les Laboratoires animés. En jeune chorégraphe, Nans Martin peaufine son écriture en prenant le temps et l’espace pour l’exposer.
D’Œil et d’oubli est une pièce qui a beaucoup à voir avec le temps, tant elle propose la suspension comme mode d’être au plateau. Ici pas de fulgurances, plutôt des marches, des traversées, des attentes, qui s’organisent en circulaire autour d’une construction en bois installée au centre du plateau. Presque un totem qui s’élève vers le ciel, un clocher, pourquoi pas. Les sept interprètes semblent engager leurs corps dans une forme d’acceptation inexorable, tous tendus vers le fait même d’avancer, de se croiser, de se sentir. Une lumière, réduite à sa seule ampoule, devient le moteur pour les rassembler : quelles histoires ont-ils donc en commun, quel est le silence qui semble traverser leurs corps ? Ce besoin de clarté donne le signal pour une contagion plus profonde des gestes entre eux. Les déplacements deviennent plus amples, les corps osent le contact furtif, les rencontres, les emmêlements. Avec, toujours au bout du compte, le moment de la pause, qui sonne le glas de l’inachevé, de l’attente, d’un vide à combler.
Une recomposition spatiale
Pendant ce temps, l’espace devient lui aussi une matière en transformation que le petit groupe prend à bras-le-corps. Plaque par plaque, ils démantèlent le monument pour en réorganiser les composantes, ici ou là, rythmant un espace qui se construit et se déconstruit au fil de la pièce. Plus la représentation avance, plus le sol semble un partenaire à explorer. L’horizontalité impose de nouvelles normes, de nouvelles formes, avec ces corps allongés vers lesquels on se rassemble comme pour se recueillir. Et pour mieux se relever, et exprimer le désir du toucher, de la consolation. En aucun cas narrative, D’Œil et d’oubli produit, dans les corps, dans le temps étiré, et dans l’espace très travaillé, un grand nombre d’images. Le spectateur lui-même est placé dans un temps suspendu, qu’il faut accepter pour entrer dans sa poésie.
Nathalie Yokel
à 15h45, relâche le 13. Tél. : 04 90 82 33 12. Spectacle vu au Théâtre Paul Eluard de Bezons.
Avec une grâce et un savoir-faire [...]